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samedi 7 décembre 2013

LE MARC DE CAFE C'EST FANTASTIQUE !

Salut !
Est-ce que c'est moi qui suis perturbé, ou est-ce que vous voyez vous aussi dans le marc de café quelques représentants du bestiaire fantastique?
Et si oui, est-ce qu'on voit les même choses? (réponses en bas)






















Hé oui, hormis l'écriture, j'aime gribouiller mais aussi immortaliser ce que je vois dans le marc de café... Je suppose qu'il n'y a pas grand monde qui trempe dans un trip pareil...

Quoi qu'il en soit, voilà ce que mon imagination me fait voir :
1° La Faucheuse (Celle de Stephen King dans Brume)
2° ET, Alien ou squelette ? (Y'a du choix!)
3° Le bourreau (pour qui on a gardé un pain à l'envers...)
4° Loup Garou vs King-Kong (Tout un programme!)
5° T-Rex (échappé du Jurassic Park, of course)
6° La Reine Noire de Blanche-Neige (et son miroir bien astiqué)

Voila !
Bisous et à + ;-)

jeudi 21 novembre 2013

C'EST çA LE FOOT ! !





J"en avais rêvé, ils l'ont fait! 3-0 contre l'Ukraine, et la route du Brésil s'est ouverte! Adieu sinistrose, moral au beau fixe sur la France jusqu'à l'été prochain...
Je m’apprêtais presque à faire un post (promotionnel) disant que, si vous vouliez voir l'EDF se qualifier pour une Coupe du Monde, la seule solution serait maintenant d'acheter mon fameux "Un mental de footballeur allemand"...
Le foot c'est vraiment unique... ça ne peut jamais être écrit à l'avance, et c'est soumis en permanence à l'effet papillon! J'en viens de plus en plus à penser que c'est la seule création humaine qui tient la comparaison face à la Création, celle du Grand Architecte...  
Voilà, ça fait du bien de s'enflammer un bon coup, surtout par une journée humide de novembre...

samedi 16 novembre 2013

DE L’INTÉRÊT D'AVOIR UN MENTAL EN GRANIT...


 2 - 0 pour l'Ukraine... Là j'avoue que je suis sonné...
D'accord, même si je savais bien que sur le terrain ce serait autrement plus difficile que ne l'envisageait le monde du foot français, qui affichait comme un seul homme une superbe banane au moment du tirage au sort, je ne pensais quand même pas qu'on se laisserait bousculer comme ça...

Ces ukrainiens n'ont pas de noms ronflants, ni de joueurs évoluant dans les top-clubs européens, mais ils ont tout simplement une équipe, des guerriers qui ne lâchent rien, qui vont au contact en permanence, et qui se mettent minables pour aider le copain... En somme, les qualités que j'osais espérer pour cette énième nouvelle équipe de France...
Les nôtres ont flanchés complètement après avoir encaissé le premier but, les 10 dernières minutes se soldant par un penalty concédé, un carton rouge, et l'implosion d'une équipe qui aurait tout aussi bien pu en prendre un troisième...
D'où l'intérêt  d'avoir ce fameux mental qui fait la diff', et aurait permis de ne pas se désagréger à 1-0, résultat qui n'aurait finalement pas été catastrophique avant le retour...
Le mental, ça se travaille comme un muscle, je vous assure... Encore faut-il être motivé à consentir tous les sacrifices en vue des objectifs fixés, et ne pas penser que l'on est arrivé avant d'être parti!

Et maintenant, pour le match retour, on fait quoi?
On peut peut-être passer aux joueurs le film de Saint-Etienne - Dynamo Kiev 1976, où les Verts remontèrent un 2 - 0 au grand Dynamo, tenant de la défunte et regrettée Coupe des coupes à l'époque, voire allumer un cierge à Dominique "l'Ange Vert" Rocheteau, qui marqua le but du 3 - 0...
Et surtout, essayer de leur graver dans la tête en 48 heures chrono que c'est possible de refaire pareil exploit, car comme disait Mac Enroe, la victoire précède le vainqueur...
De toute façon, ils sont maintenant considérés comme morts par tout le monde, et c'est souvent dans ces cas-là qu'on  redevient vivant..
.
Allez, vous n'avez plus rien à perdre, alors lâchez-vous, et ce qui doit arriver arrivera...

dimanche 10 novembre 2013

ASTERIX EN UKRAINE




Arrêtez-moi si je me trompe, mais Astérix n'est jamais allé traîner ses mocassins du côté de l'ex-URSS. Pourtant, ce ne sont pas les aventures potentielles qui manqueraient entre la Volga et l'Oural, ou dans les blondes plaines d'Ukraine...

Justement, un nouvel Astérix va traîner dans quelques jours ses crampons du côté de Kiev. Il s'agit plus précisément du dénommé Ribérix... A la tête de sa bande, il va défier de blonds joueurs aux noms en "ov" ou en "ko" pour un double match de barrage à l'enjeu importantissime, du moins pour qui aime le foot : la qualif à la Coupe du Monde 2014 au Brésil.

Dans mon fameux bouquin "Un mental de footballeur allemand", je le rappelle en vente en ligne, l'équipe de France bat le Koweit en match de barrage intercontinental, grâce à un but de raccroc au bout de la prolongation, et se qualifie ainsi pour la CM 2028.
Quelqu'un m'a fait remarquer que c'est une énorme erreur, car il n'y aura pas de CM en 2028... Je lui ai répondu que pas du tout, plus loin il lirait que, dans cette histoire d'anticipation, la CM est devenue bisannuelle, et toc!
Quoi qu'il en soit, j'espère que l'EDF réussira à se qualifier, car une CM où l'on n'y est pas, hé bien ça fout les boules, voila!
Et moi qui aime bien l'adage "Ce qui ne tue pas rend plus fort", je pense que s'ils passent cette épreuve, ils peuvent faire un minimum mal du côté de Rio... Surtout aux brésiliens, d'ailleurs, dont on est la bête noire...

Pour en revenir à Astérix, force est de constater que dans le dernier album, qui perche du côté de chez les Pictes, le graphisme d'Uderzo a été superbement repris par Didier Conrad. On s'y croirait!
Mais personnellement, je suis frustré que ce dessinateur ait fondu son talent dans le dessin d'un autre, si grand soit-il.
Quand j'étais gamin, j'étais un lecteur assidu du journal de Spirou, et un duo marseillais y faisait des débuts tonitruants : Yann et Conrad.
Ils commencèrent par squatter les hauts de pages, qu'ils peuplèrent de gags décapants et provocateurs. Je me souviens notamment d'un dessin montrant Papyrus, personnage égyptien clean, avec une cigarette Khéops au goût miel dans le c..., expliquant "Comme ça je protège mes petits poumons", et avec cette légende : "A cette époque, on ne connaissait pas encore le cancer du rectum"...
Yann tirait sur tout ce qui bouge, et Conrad avait un trait hyper-nerveux, dessinant notamment avec beaucoup de sensualité les femmes (soupir)...
C'étaient mes idoles!
Je ne désespère donc pas qu'en marge des Astérix des familles à venir, Conrad refasse quelques escapades avec Yann, retrouvant au passage son coup de patte sauvage, pour pourquoi pas nous concocter un Astérix parallèle dans l'esprit de leur série vedette "Les innommables", un trio de déserteurs sympas dans l'Asie de l'après-guerre...
Cette nouvelle aventure pourrait débuter en Ukraine et se continuer dans le Nouveau Monde, au hasard au Brésil, et les gaulois pourraient avoir pour têtes Ribéry et ses compagnons de bus de Knysna, avec un Abraracourcix aux traits de Domenech... ça aurait de la gueule, et pour le coup ils porteraient bien leur nom!

Mais fi du passé, c'est l'avenir qui compte! Si nos Bleus ont trouvé une potion magique qui les transforme en warriors se mettant minables pour le maillot frappé du coq, j'applaudie sans arrière pensée et leur crie "FORZA!" pour les deux matches qui arrivent...

dimanche 20 octobre 2013

HISTOIRE DE FRANCE - Jacques BAINVILLE



Histoire de France... Difficile de trouver plus insipide et rébarbatif à la fois (chiant?) comme titre, pour un ouvrage d'histoire justement... Et pourtant...
Voici ce que dit la quatrième de couv' de l'édition Texto :
"Quand il était au collège, Jacques Bainville n'aimait pas l'histoire ["Comme moi!" ;-)]. Que discerner dans ce tissu de drames sans suite, cette mêlée, ce chaos ? Lui voulait savoir «pourquoi les peuples faisaient des guerres et des révolutions, pourquoi les hommes se battaient, se tuaient, se réconciliaient». Déjà célèbre pour son intelligence des relations internationales, il se plongea deux ans dans l'écriture d'une Histoire de France qui paraîtrait en 1924 et serait un immense succès de librairie : 160 000 exemplaires tirés avant 1940. Ce grand ouvrage embrasse d'un seul regard, où l'élégance du style le dispute à la hauteur de l'analyse, le destin de la nation française de la Gaule romaine au premier après-guerre. Livre de chevet d'une génération, il est de ceux où l'intelligence, au-delà des partis pris politiques, vient sans cesse éclairer «l'inerte matière historique»"

Ce gars, mort en 1936, était pudiquement considéré comme "l'un des grands intellectuels de droite du premier XXe siècle". Je suppose qu'il s'agit d'un euphémisme pour celui qui fut une "grande figure du monarchisme nationaliste et de l'Action française"...
N'empêche que son bouquin est remarquable et qu'il se lit comme un roman! Moi qui ai comme tout un chacun des lacunes en HDF, je me demandais souvent à sa lecture ce qu'il allait se passer à la page suivante...
L'auteur réussit à nous tenir en haleine alors qu'on sait comment tout cela va finir, et au final j'ai regretté que cette Histoire se termine déjà au lendemain de la première guerre mondiale, sans un tome II pour enquiller, et pour cause...
Sûr qu'il aurait eu matière à écrire sur les décennies suivantes...

dimanche 8 septembre 2013

MA MODESTE SÉLECTION POUR LA RENTRÉE LITTÉRAIRE ...




Salut! C'est la rentrée! Pour tout le monde, sauf pour les retraités!
C'est aussi la rentrée dite littéraire, où un wagon de bouquins nouveaux est lancé sur le marché, comme des automobilistes remontant l'A6 à fond les ballons le dernier samedi d'août...

Cette tradition livresque devient paradoxale dans une société qui se digitalise de manière exponentielle (jusqu'au Grand Effondrement?) et où globalement les cerveaux jeunes d'aujourd'hui (CJA) semblent avoir une capacité à la lecture soutenue diminuer à mesure que leur mémoire vive, c'est-à-dire leur vitesse à trouver le bon lien ou à taper un maximum de sms en 24 heures, augmente...

Quoi qu'il en soit, si cette avalanche de titres vous laisse froid, je vous propose modestement, pour le cas où vous ne les connaîtriez pas, quelques romans cultes à découvrir... Voici selon moi le bouquin à emporter sur une île déserte de chacun des cadors suivants :

Stephen KING :  ÇA
Parmi l'oeuvre prolifique d'un des plus grands raconteurs d'histoires de l'Histoire, qui a cependant selon moi perdu un peu de sa verve ces 15 dernières années, les 1500 pages (format poche) de Ça en constituent à la fois la synthèse et la quintessence.
Une bande de gamins "ratés" affronte en 1960 le clown Grippe-Sou, l'une des incarnations du Mal existant depuis la nuit des temps. Tout en devant aussi faire face aux blousons noirs qui les tyrannisent, ils vont réussir à le repousser, mais la bête (?) revient 25 ans plus tard. Les adultes accomplis qu'ils sont devenus vont devoir retrouver leur âme d'enfant pour livrer l'ultime combat...
Le trait de génie, c'est que les deux histoires se déroulent simultanément, aboutissant ensemble au dénouement. Accessoirement, King décrit l'enfance comme nul autre...
Grandiose! Exceptionnel! Magique! L'équivalent d'un 3 étoiles au Michelin!

Philippe K. DICK : LE MAÎTRE DU HAUT CHÂTEAU
Dans un monde où ce sont les forces de l'Axe (autrement dit les mauvais) qui ont gagné la seconde Guerre Mondiale en 1947, dans une Amérique occupée par le Japon et les nazis, il se dit qu'un écrivain de science-fiction aurait écrit un roman dans lequel ce sont les Alliés (les bons, donc) qui l'ont emporté...
Si ça c'est pas un pitch d'enfer!! Une uchronie paradoxale, matinée de la sagesse asiatique qui s'est répandue "grâce" aux japonais sur la moitié ouest des USA...
Pour moi, le summum de l'oeuvre d'un des plus grands écrivains de science-fiction, et assurément du plus grand écrivain de SF camé, dont la plupart des romans ont tourné autour de cette question : qu'est-ce que le réel, finalement?

(Sir) Arthur Conan DOYLE : UNE ETUDE EN ROUGE
Sans vouloir me la péter, à 17 ans je m'étais offert l'intégrale de Sherlock Holmes en deux volumes (chez Robert Laffont, toujours éditée). Toutes les histoires et nouvelles qui la composent sont excellentes. Tout le monde connaît plus où moins le "hit" Le chien des Baskerville, notamment grâce au film aux couleurs criardes de la mythique Hammer en 1958.
Mais j'avoue avoir un faible pour Une étude en rouge, cette histoire qui voit le célèbre détective et son non moins célèbre acolyte Watson se délocaliser aux Etats-Unis, et plus précisément à Salt Lake City, Utah, pays des mormons.
Un pur régal, tout comme ses déductions toujours délicieusement énormes!

Bernard WERBER : LES THANATONAUTES
A un niveau un peu moindre que celui des trois colosses ci-dessus, j'apprécie aussi le travail de Bernard Werber, l'un des rares écrivains français à traiter de science dans ses romans, mais aussi de philosophie et de spiritualité.
Son style est simple, mais il est manifestement assumé, pour ne pas polluer le récit par des fioritures.
La série des Fourmis est son monument, mais mon préféré est Les thanatonautes, qui a lancé la série des Anges et des Dieux.
Ce livre donne un vaste aperçu du thème de la mort vu par diverses religions, philosophies et légendes, ceci en parallèle de l'histoire elle-même, dans laquelle des chercheurs tentent de percer les mystères de l'au-delà de manière empirique... et prenante pour le lecteur.
La scène de la pesée de l'âme, et les réincarnations qui lui sont proposées ensuite en fonction des points obtenus au cours de la vie, est excellente. Entre autres.

Voila! Avouez que cette sélection a plus de gueule que le descriptif par le menu des pets de travers d'un bobo dépressif de Saint-Germain-des-Prés... ;-)

jeudi 15 août 2013

SAS : LE TRESOR DU NEGUS - Gérard DE VILLIERS




Si on m'avait dit qu'un jour je serais accroché par SAS, je me serais bien fendu la poire! Comme quoi, il ne faut jamais dire jamais... Car c'est bien ce qui m'est arrivé à la lecture de ce "Trésor du Négus" qui fleurait bon le roman de gare écrit à la chaîne...
Il faut dire que j'avais été mis en appétit en février par un article du New York Times (repris par Le Monde, j'avoue) dithyrambique envers Gérard de Villiers, présenté comme un homme de réseaux, ce qui lui permet d'alimenter sa production industrielle de romans (4 par an !) de détails et d'anecdotes prétendument authentiques.
Paraît-il que tout diplomate français qui se respecte achète le SAS correspondant au pays dans lequel il est nommé pour avoir une synthèse de sa situation et un aperçu de sa mentalité.
Moi qui m'intéresse, entre autres,  aux questions géopolitiques, cette présentation m'a mis l'eau à la bouche, comme beaucoup de lecteurs du NYT semble-t-il, et j'ai voulu en savoir plus sur les aventures du prince Malko...
J'ai alors mis la main sur quelques exemplaires abandonnés dans un coin, que je voyais sans les voir depuis des années, et j'ai attaqué ce Trésor du Négus, édition 1977 collector SVP! Et là, la surprise!
 J'en avais déjà parcouru un exemplaire il y a une dizaine d'années, mais il m'avait semblé insipide et creux, y compris la scène érotique réglementaire... Etais-je tombé sur un titre raté, ou est ce moi qui ai évolué depuis? Mystère...
Toujours est-il que j'ai été scotché en lisant ce roman-là, qui se passe en Ethiopie comme son titre l'indique aux plus cultivés d'entre vous... ;-)
Sa lecture m'a appris que ce pauvre pays, tristement célèbre pour sa famine de 1985, avait auparavant subi (entre autres...) une dictature n'ayant absolument rien à envier à celles qu'endurèrent l'Argentine et le Chili à la même époque, avec une description d'atrocités que même la distanciation du roman ne parvient pas à atténuer.
Cependant, l'écriture de Gérard de Villiers (d'aucuns disent de ses nègres... Bof, qu'importe...) est tout sauf plate. Il y a un sens du récit et du dialogue qui rendent l'histoire bien vivante.
Surtout, il apparaît de manière récurrente un humour noir et une ironie auxquels je ne m'attendais pas du tout, mais qui ont fini par me convaincre et par me rendre fan!
En voici un florilège :

Ils ont envoyé un char. Ils l'ont achevé à bout portant au 90. En pleine ville. On n'a même pas retrouvé assez de viande pour remplir une boîte à chaussures. Ils ont annoncé qu'il s'était suicidé. C'est le premier suicide de l'histoire au canon de char...  

- Où est-il?
- Fusillé.
Un ange passa, les yeux bandés.

La "Nouvelle Fleur" (traduction du nom de la capitale, Addis-Abeba) était de l'espèce carnivore...

Sa combinaison était ouverte, découvrant la naissance et même l'enfance de son impressionnante poitrine.

Le zip descendait jusqu'au bas-ventre, mais Wallela ne l'avait ouvert que de 10 cm, découvrant une croix copte en or posée entre deux globes dont la vue aurait rendu la foi au pire des mécréants.

Dans un pays comme l'Ethiopie, lorsqu'on avait un accident de voiture, le mieux était de faire marche arrière pour achever le blessé - ou de fuir.

Wallela ressemblait à un cosmonaute vu par Penthouse.

Sur la piste, son danseur, le représentant d'un vague état africain qui n'existait guère que sur le papier, attendait, les yeux en érection.

Seul bémol de ce roman ne comportant à priori aucune coquille, ce qui est suffisamment rare pour être noté, sa couverture... Bien dommage qu'elle ne nous montre pas une belle éthiopienne à kalachnikov, plutôt qu'une jolie mais incongrue européenne brandissant une mitraillette à chargeur camembert...
Pour info, SAS obtient dans cette aventure un score de 4 sculpturales éthiopiennes, dont l'une au cours d'une éblouissante scène se passant sur un tas de... poudre d'or!

Mais maintenant, sus aux 3 autres SAS que j'ai récupérés! Slurp! ;-)  

samedi 13 juillet 2013

LA CARTE ET LE TERRITOIRE - Michel HOUELLEBECQ




Autant l'avouer tout de suite : Houellebecq est mon écrivain français préféré! Il est l'un des rares à s'intéresser à des questions scientifiques, économiques, sociologiques, voire métaphysiques, c'est-à-dire tout simplement à voir plus loin que son nombril.
Autant le dire aussi : son chef-d'oeuvre, c'est Les particules élémentaires. Mais le reste de sa production est largement au dessus de la moyenne, y compris ce La carte et le territoire, "Houellebecq" sexless et sans provoc, paramétré pour obtenir le Goncourt que Les particules aurait dû remporter en leur temps.
Mais revenons à cette Carte... Dès le début, on se dit que Houellebecq fait du Houellebecq à fond, tout comme on peut se le dire de Tarantino dans certains de ses films.
Il cite des marques commerciales à tire-larigot et décrit des notices d'utilisation, il s'en donne aussi à cœur joie pour inventer des noms improbables d'entreprises de plomberie... Il cite aussi des people à gogo, poussant le vice jusqu'à se mettre en scène lui-même dans une sorte de mise en abyme où il ne se fait guère de cadeaux, et où il ne se ménagera vraiment pas!...
Puis il fait le tour d'une vieille (vraie?) France crépusculaire, qui s'efface en ce début des années 2010 dans une mondialisation où l'on ne parle que de chinois, de russes, de low cost et de multinationales.
Le personnage principal, un artiste graphique du nom de Jed Martin, inadapté et incapable de sentiments car orphelin de mère et élevé par un père s'étant donné entièrement à son cabinet d'architectes, mais qui a réussi à percer sans même le vouloir vraiment, est une sorte de clone de l'auteur lui-même, qui fait ainsi se côtoyer, voire s'apprécier, ses deux représentants, l'explicite et l'implicite.
Le Houellebecq de papier connaîtra son apothéose avec une fin quelque part plutôt artistique, mais dans la catégorie trash-gore, tandis que le "héros" mourra de sa belle mort dans une vingtaine d'année, en ayant raté l'amour sans que cela ne le tourmente le moins du monde, le plus important pour lui étant peut-être d'avoir pu échanger quelques phrases avec son père peu avant la mort de celui-ci. Au passage, il se sera permis un étonnant accès de violence gratuite et sans lendemain.
Dans ce roman, nous ferons également la connaissance d'un vieux flic, désabusé comme il se doit, qui porte aussi en lui quelque chose d'houellebecquien...
Un Houellebecq donc omniprésent, qui réussit à traiter dans cet ouvrage de la vie, la mort, la solitude, l'amour, l'art... et même le tourisme. A ce propos, l'auteur, souvent prophétique par le passé, nous rassure totalement : la France industrielle dont il décrit cliniquement la fin va réussir sa transition économique pour se reconvertir pleinement dans le tourisme... devenant même une destination phare dans le domaine du... tourisme sexuel! Sacré Houellebecq, va! ;-)

mercredi 19 juin 2013

L'ETE OU J'AI VECU SANS ALCOOL... OU PRESQUE.


Coucou, me revoilou! Aujourd'hui rubrique "développement personnel" à donf concernant le mental de footeux allemand que je me plais à croire avoir, mais qui a régulièrement besoin de petites piqûres de rappel...

Ces derniers jours, j'ai fait le plein de contrariétés en tous genres, dont une qui m'a particulièrement énervé car je me la suis moi-même créée... Et ma moitié en a remis une couche en me sonnant les cloches pour être si bête par moments... Objectivement, rien de bien grave, mais sur le principe, j'ai du mal à digérer quand je me manque... A un point que ça m'a réveillé la nuit, c'est dire...
Je suis alors allé prendre l'air sur le balcon, pour rafraîchir ma température interne et mes idées...
C'est alors que je me suis souvenu d'un passage d'un de mes livres cultes, pour ne pas dire de chevet pendant des années, l'excellentissime "Comment dominer le stress et les soucis" de Dale Carnegie, spécialiste es com et développement perso du milieu du siècle dernier, qui a aussi écrit le mondialement célèbre (en son temps) "Comment se faire des amis", guide au titre un peu ridicule, style "Dis, tu veux être mon ami?...", mais au contenu fabuleux si l'on s'intéresse aux relations humaines. Leurs références sont quelques peu datées, mais pas du tout obsolètes puisque l'humain ne changera jamais...

Dans "Comment dominer le stress et les soucis", il y a un passage expliquant que l'individu peut supporter des stresses énormes, mais que ce qui l'use et peut parfois le faire flancher, ce sont les multiples contrariétés du quotidien qui emplissent goutte à goutte son vase cérébral, jusqu'au trop plein.
L'auteur rapporte notamment le cas d'un américain, sous-marinier durant la seconde Guerre Mondiale, dont le bâtiment fut pris en chasse durant 15 heures infernales par un navire japonais le bombardant de grenades sous-marins comme s'il en pleuvait.
Allongé sur sa couchette car d'aucune utilité à ce moment-là, le militaire grelottait sous une couverture tandis que la température dépassait les 40°C et que s'entendaient le bruit sourd des explosions autour du submersible...
Il passa alors en revue les événements qui l'avaient contrarié ces dernières années, liés à l'argent, au travail, à la vie de couple, et les trouva bien fades alors que son sous-marin et sa vie pouvaient imploser à chaque seconde...
Il se jura que si par miracle il en réchappait, jamais plus il ne se ferait de soucis pour les pets de travers du quotidien... Promesse plus facile à dire qu'à tenir certes, vu que ceux-ci sont comme le flux et le reflux qui ronge la falaise, mais à ses dires il semble y être parvenu par la suite...

L'expérience est une lanterne qui n'éclaire que celui qui la porte... N'empêche qu'en calbar au clair de lune sur mon balcon, je me suis dit que ça ne servait à rien de m'autoflageller pour des broutilles. Ce qui est fait est fait. Mais puisque je continue à me ronger, la solution c'est de puiser dans cette énergie négative pour en sortir quelque chose de positif, pour compenser... Un peu comme une certaine puce Aura boostera le cortex d'un certain Fabien Caramel en 2028 dans un roman certainement intéressant...
Et donc, en guise de pénitence, moi qui m'était plusieurs fois dit qu'il serait bon pour mon corps entre deux âges de faire une abstinence (temporaire!) d'alcool pour le purger des toxines accumulées, c'est l'occasion de transformer ce vœu en acte!
Depuis 3 jours (on ne rit pas!), finis les 3-4 verres de vin du dîner, finie la p'tite binouze en rentrant du travail (sauf celle du vendredi, sacrée!), ou le petit digeo une fois la table débarrassée...
Je suis parti pour un été sans alcool, ou presque (faut pas exagérer : j'en boirai encore un peu en société, pour ne pas passer pour un alien!), et je suis plutôt content de moi pour avoir retrouvé ma paix intérieure en transformant un mal en un bien... pour le moment!
(Et en plus, ça me fait un post... ;-) )

mercredi 29 mai 2013

PLUS DURE SERA LA CHUTE - Budd SCHULBERG



Un titre qui aurait pu s'appliquer à l'OM au lendemain de la victoire en Coupe des Champions, ou à l'Equipe de France tombée si vite des cimes zidanesques aux abysses domenechales... Exemples qui confirment que si l'on descend avec l'ascenseur, on ne remonte qu'avec l'échelle... Mais ceci est une autre histoire.

"Plus dure sera la chute" est considéré comme l'un des plus grands romans jamais écrits sur le monde du sport. Je ne peux que me ranger à cette opinion.
Même si l'on ne s'intéresse guère au "noble art", on ne pourra qu'être sonné par ce roman "coup de poing!" sur la boxe écrit par un scénariste et écrivain américain manifestement bien informé.
Ce livre est paru en 1947, et pourtant il reste on ne peut plus moderne dans sa dénonciation des magouilles qui pourrissent le sport. Voire la société américaine.

Où comment un manager véreux met la main sur une bête de foire avec deux poings gauches dégotée au fin fond de l'Amérique du Sud et répondant au doux nom de Toro Molina. A la suite d'une série de matches tous arrangés, et avec l'aide d'un journaliste foireux qui réussit à le faire mousser aux yeux du public en le lui vendant comme un crack, il amène le cogneur d'opérette à disputer le titre de champion du monde des poids lourds.
Là, un événement malheureux va entraîner le naïf géant argentin, qui avait lui-même gobé toute cette mascarade jusqu'à ne plus se sentir pisser, vers une longue et terrible punition...

Ce roman a inspiré un film éponyme, avec le mythique Humphrey Bogart dans le rôle du journaleux. A priori, ce film, dernier de la carrière de "Bogie", est moins noir et cruel que le roman, ce qui atténue mon envie d'essayer de le voir...

dimanche 19 mai 2013

LE FOOTBALL EST UN SPORT QUI SE JOUE A 11...

                          Fritz Walter, capitaine des champions du monde allemands 1954. Déjà...

...et à la fin ce sont les allemands qui gagnent.

Tout footeux de salon digne de ce nom connait l'implacable adage de l'ex avant-centre anglais Gary Lineker.
Certes, ces dernières années, il était quelque peu tombé en désuétude.
Mais en France, cette phrase reste gravée au fer rouge dans les cerveaux... Les cruelles défaites de Saint-Etienne en finale 1976 contre le Bayern Munich (poteaux carrés et but discutable sur coup-franc) et celle de l'Equipe de France à Séville en 1982 contre la Mannshaft (agression de Schumacher sur Battiston, arbitre dépassé voire partisan, et défaite aux tirs aux buts), sans même parler de la rebelote de 1986 à Guadalajara (RAS pour une fois) ont traumatisé toute une génération.
Ces cicatrices béantes n'ont été cautérisées que le 26 mai 1993 (victoire de l'OM en Ligue des Champions contre Milan), et surtout le 12 juillet 1998 dans la soirée, après le troisième but contre le Brésil... Vous remarquerez qu'il n'y avait pas de teutons en short en face, sinon les vieux fantômes resurgissaient...

Le problème avec les allemands, c'est qu'on a souvent l'impression qu'on peut les battre... et qu'on perd toujours! Entre leurs poteaux qui attirent les tirs adverses, leurs défaites en phases de poules qui les placent ensuite dans la bonne partie de tableau, les arbitres qui ne les lèsent pas et leurs remontées au score improbables, souvent dans les dernières secondes d'une partie, là où ça brise le moral de l'adversaire pour le restant de sa carrière, à ce niveau-là ce n'est plus de la chance, c'est une marque de fabrique!

Alfredo Di Stefano, la star argentine du grand Real Madrid des années '50, disait : "Les buts ne se méritent pas, ils se marquent". Un allemand aurait pu le dire aussi.
Berti Vogts, le sélectionneur allemand des années '90 et champion du monde 1974, a dit un jour : "Celui qui travaille et s'obstine peut toujours compter sur la chance, à un moment ou à un autre".
Son compère Rainer Bonhof, l'un des plus terribles tireurs de coups de pied arrêtés, disait : "Je tire toujours mes pénalties en force, car à partir d'une certaine vitesse, l’œil humain ne perçoit plus les objets"...
Ce mélange de travail, d'obstination, de pragmatisme, de puissance, de cynisme et de confiance en soi n'a pas toujours donné un spectacle sexy, mais s'est révélé terriblement efficace sur la durée, avec l'un des trois plus beaux palmarès du foot mondial.
Un foot rigoureux et sûr de lui, bien à l'image de la nation européenne la plus compétitive.

Le foot est "La bagatelle la plus sérieuse du monde" (Christian Bromberger, essai publié en 1998).
Mais aussi : "Le foot est une parabole de la vie". C'est ce que, dans mon fameux roman, Fabien Caramel explique à Amandine Bereta ,qu'il réussit presque à intéresser...
Moi-même, j'ai été tellement fasciné par la force morale du football germanique que j'essaye de m'en inspirer dans la vie de tous les jours, car la vie est football, un match dans lequel, malgré l'adversité ou la malchance, il ne faut rien lâcher, rester concentré sur ses objectifs et se battre jusqu'à la dernière seconde des arrêts de jeu!
Ecrire un livre sérieusement (c'est-à-dire pas en faisant ça juste pendant les pauses repas avec un hot-dog dans l'autre main), puis essayer de le faire connaître sans relations mais avec obstination, parce-que l'on sait qu'on y a mis le meilleur de soi, mais aussi chercher un emploi, chercher sa moitié, quel que soit le but, la vie est une suite de matches liés les uns aux autres, et c'est cela le thème central de mon roman.

Un roman pile poil dans l'actualité, puisque samedi 25 mai aura lieu la finale de la Ligue des Champions entre le Bayern Munich et le Borussia Dortmund, la première finale 100 % allemande de l'épreuve-reine du foot de clubs européen.
On peut toujours rêver à un score identique à celui de la finale de la coupe d'Allemagne 2012, où le Borussia avait battu le Bayern 5 à 2, après l'avoir dominé aussi en championnat... Seul accroc de cette saison de rêve dortmundoise (?) : la double défaite en Ligue des Champions contre... l'OM (6-2 en cumulé).
De là à penser que l'OM a lui aussi l'étoffe d'un champion d'Europe, à quelques jours du vingtième anniversaire de son sacre européen, il y a un pas que même moi, pourtant marseillais pur jus, ne peut pas franchir... Faut pas rigoler, quand même...

Il y a quelques semaines, je lisais l'excellent "Thérapie" du non moins excellent écrivain anglais David Lodge, dans lequel un scénariste dépressif tout aussi anglais tient son journal durant l'année 1993.
A la date du 27 mai, j'ai eu l'agréable surprise de lire (p. 246) : "Je l'ai convié à venir assister à la deuxième mi-temps de la finale de la Coupe d'Europe entre le Milan AC et Marseille. Marseille a gagné un à zéro. Une belle partie, même s'il est difficile de se passionner pour un match où n'est pas impliqué un club britannique."
Ceci dit, je ne sais pas si on avait vu le même match... Il fallait vraiment être marseillais pour penser cela, car en finale, seule la victoire est belle... Demandez aux stéphanois...

Mais, en paraphrasant Gary Lineker, ce samedi on pourra dire : le foot est un sport qui se joue à 22 allemands, point barre!

samedi 11 mai 2013

A PROPOS D'UN CERTAIN FOOTEUX ALLEMAND...


American tabloïd,
Servitude humaine,
Le pays du Dauphin vert,
L'Iliade...
J'avais tellement aimé ces livres, dont j'ai parlé précédemment, que je me suis débrouillé pour y faire allusion dans "Un mental de footballeur allemand"...
Ce fameux roman certainement intéressant d'anticipation, salade de genres ayant pour thème central la volonté et avec le foot en fil rouge, que vous en dire de plus?
Vous avez eu droit dans le post inaugural du 1er mars à la quatrième de couverture, ainsi qu'à la phrase censément la plus percutante de chaque personnage à la rubrique "Une réplique par tête de pipe"...
Vous avez pu assister à la présentation des personnages et à la mise en place du décor dans les épisodes I et II, représentant les 30 premières pages du roman...
Je ne vous avais pas précisé que ses 600 pages se divisent en 6 parties, qui sont :

  1. Partie de plaisir
  2. Partie d'échec
  3. Partie de billard
  4. Partie de chasse
  5. Partie gratuite
  6. Partie de jambes en l'air
Voila, c'est fait!

Après avoir passé quelques années à écrire puis à lire, relire, re-relire et faire relire le manuscrit jusqu'à fluidifier l'ensemble pour qu'il se lise tout seul, éviter les incohérences, et que le tout tienne la route, j'ai quitté la casquette d'écrivain pour celle d'éditeur.
Hé oui, quand on assume tout de A à Z pour que le livre existe physiquement, soit déposé puis diffusé, on est de fait un éditeur.
L'illustration de couverture est aussi de bibi... Même les mains qui tiennent le jerrican (un vieux machin tout rouillé trouvé au fond du garage de mes parents...) sont les miennes!
Autant dire que cet ouvrage est vraiment le fruit du travail d'un artisan passionné, juste aidé de deux potes éclairés mais intransigeants pour la relecture...

Et maintenant, nouvelle casquette : celle d'attaché de presse, pour faire savoir que cet ouvrage existe!
Loué soit le net, qui permet à un homme seul de se démultiplier ainsi pour tenter de faire son nid sur la toile! Par rapport à un écrivain d'il y a 20 ans seulement, je suis presque un cyborg! Ne reste plus qu'à supprimer bientôt l'interface du clavier et connecter directement mon bulbe rachidien au réseau par antenne WIFI pour gérer l'ensemble en permanence... Non, là ce serait un cauchemar... Le cauchemar de silicium!

"Un mental de footballeur allemand" commence à se faire connaître tranquillou...
Evidemment, si je pouvais bénéficier d'un buzz planétaire avec l'aide de la superbe Kim Kardashian caressant à titre gracieux son corps sculptural avec mon bouquin sur YouTube, cela le placerait illico sur orbite géostationnaire!
Faute de ça, je vais donc continuer à m'atteler à mon travail de fourmi pour tenter de percer, bien que mon bouquin ne se trouve pas en tête de gondole du rayon livres de chez Mammouth, ni qu'il ait été vu à la TV... Pour le moment? ;-)

vendredi 26 avril 2013

UN MENTAL DE FOOTBALLEUR ALLEMAND, c'est ça : Episode II (là ça devient "hot"...)


Assis sur le muret bordant l’entrée souterraine du métro Vieux-Port, Fabien Caramel donnait dans la contemplation. En cette mi-journée, sous cet agréable soleil d’automne, il observait la surface de l’eau. Contempler l’onde, même mazoutée, avait un effet apaisant sur lui. Dans cette situation, il arrivait enfin à s’oublier.
Autour de lui, le quai des Belges était plutôt calme. Le marché aux poissons venait de se terminer, les forains aux stands remplis de gadgets essayaient de capter l’attention des passants, et quelques touristes attendaient d’embarquer pour le Château d’If ou le Frioul. Un homme, ayant posé quelques livres d’occasion sur le muret, près de Fabien, lançait à intervalles réguliers un homérique « Aaaallez, la lecture c’est l’aventure ! »...
Fabien vit passer la femme délavée qu’il avait déjà remarquée deux ou trois fois parmi la foule de ce grand village qu’était l’hypercentre, « l’indienne », immanquable avec sa robe en daim à franges et son bandeau brun. Elle tenait un sac en papier kraft assorti à son ensemble.
A trente mètres au dessus de sa tête, deux gabians se coursaient en hurlant… Inspiré par le décor qui s’offrait à lui, son esprit se mit à vagabonder…
Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, l’horizon d’ici était barré par une grande carcasse de métal, le pont transbordeur. Constitué de deux pylônes plantés de part et d’autre de l’entrée du port et reliés par un léger tablier, un plateau y était suspendu, qui permettait de se déplacer d’une rive à l’autre, comme sur un tapis volant au dessus des flots. Il avait été dynamité en 1944 par les allemands lors des combats pour la libération de Marseille, pour bloquer le port. Comme obstacle, on ne pouvait en effet rêver mieux…
Fabien s’était déjà demandé quelle impression on ressentait à l’époque en le voyant pour la première fois. Sûrement qu’il donnait un supplément d’âme à ce lieu, comme une porte ouvrant sur le monde, qui signifiait aux navigateurs qui appareillaient : « Maintenant que vous allez me franchir, tout peut vous arriver, le meilleur comme le pire ! » Cela devait vraiment être quelque chose, tous ces bateaux, certains encore à voile, sûrement, arrivant ou repartant vers des contrées lointaines. A terre, les dockers débarquaient ou embarquaient dans leur ventre une multitude de tonneaux. Ils étaient entreposés sur une chaussée formée de pavés. Il y avait peut-être aussi des chevaux pour les transporter, qui parfois, le corps couvert d’écume, se retrouvaient dans l’incapacité d’avancer à cause de charges trop lourdes. Sous les coups d’hommes au cœur dur comme les pavés, ils devaient alors se mettre à ruer en poussant des hennissements de douleur que personne n’entendait. Et pour cause… Tout autour d’eux, grouillant comme des fourmis, des hommes de couleurs et de langues différentes gagnaient leur salaire à la sueur de leur front. Le soir venu, ils iraient en dépenser une partie entre les cuisses des filles travaillant dans les ruelles proches…
« Ho ! jeune… Vous attendez quelqu’un ?… »
Sortant de sa rêvasserie, Fabien vit, bras croisés et visage amusé, son seul et vrai ami, Lucas.
« Ha, t’es là ? fit-il mollement.
Je me demandais si tu allais finir par t’en rendre compte, lui répondit le grand brun à frisettes.
Je réfléchissais…
Comme d’habitude… Ça fait une minute que je suis planté à côté de toi…
Tu vas pas t’y mettre toi aussi… » lui répondit Fabien avec un iota d’irritation.
Il se leva, et ils se firent la bise… Pour l’un comme pour l’autre, se revoir de temps à autre était indispensable pour se ressourcer. A qui peut-on en effet raconter sans être jugé ses problèmes et les conneries qu’on a faites, si ce n’est à son meilleur ami ?
Et comme Fabien, Lucas Fernandez en avait souvent gros sur la patate, et s’épanchait à l’occasion. Actuellement, cela n’allait d’ailleurs pas fort du tout pour lui, ni au point de vue professionnel, puisqu’il galérait quelque peu, ni au point de vue sentimental. Chloé, sa copine, n’était manifestement plus sous son charme.
C’était une fille d’avocat, future avocate elle-même, qui rendait malade Lucas par sa cyclothymie : « Je t’aime / Je t’aime plus… Je t’aime / Je t’aime plus… » En l’occurrence, elle était actuellement dans une phase « Je t’aime plus… » Du moins jusqu’à la prochaine fois… peut-être. Mais la douche écossaise étant ce qu’il y a de pire pour les nerfs, Lucas confiait de plus en plus aux chichons le soin de soulager les siens. D’ailleurs, lui et Fabien n’avaient pas parcouru cent mètres en remontant une Canebière parsemée comme à l’habitude de papiers gras et de déchets divers qu’ils durent entrer dans un tabac curieusement nommé Au diplomate pour que Lucas puisse se réapprovisionner, tandis que, plus haut, un véhicule électrique de la police municipale se frayait un passage dans le trafic de toute la puissance de sa sirène. Le gérant du magasin portait un splendide pull en poils de chameau. Sous son comptoir, à l’abri des regards, son amie Kalachnikov veillait sur lui…
« Deux paquets de Fortuna, et une barrette de libanais, s’il vous plait, lui demanda Lucas.
Il me reste seulement du marocain, lui répondit l’homme en posant les deux paquets sur le comptoir, sous l’œil d’une caméra de surveillance Panasonic.
Non, j’aime pas le transgénique… Bon, ça fait rien, je prends que les cigarettes. »
Dehors, il dit à Fabien : « Au prochain tabac, faut que j’en achète… Quand j’ai pas de shit à portée de main, j’ai toujours peur d’en manquer juste à ce moment.
Tu deviendrais pas un peu accroc sur les bords, par hasard ?
Mais non, c’est juste psychologique, c’est tout…
Justement…
Merci de t’inquiéter, Papa, mais ça va bien !
Je m’inquiétais juste pour tes petits neurones, c’est tout… C’est mon côté bon samaritain… »
Fabien eut justement l’occasion d’exercer ses quelques dons d’écoute tandis que Lucas lui parlait de ses dernières tribulations d’avec Chloé. Mais la dernière fois que Lulu l’avait vue datait déjà de quinze jours, ce qui n’était pas spécialement bon signe…
En chemin, toujours sur la Canebière, ils croisèrent descendant d’un trolley ce petit noir barbu abritant ses dreadlocks dans un bonnet démesuré aux couleur de la Jamaïque, que Fabien avait déjà aperçu en ville.
« Décidément, aujourd’hui, je tombe sur toutes les têtes connues… » dit-il à son pote.
Comme en écho à ses paroles, une vision tout droit sortie de la Cour des miracles leur fit détourner le regard, comme les fois précédentes d’ailleurs… Un jeune rom, habitué des lieux depuis plusieurs mois, avançait au milieu des passants en poussant son écuelle au cri de « Pardon monsieur dame… » Il se déplaçait à quatre pattes, sur ses avant-bras, et pour cause : les articulations de ses genoux étaient inversées, ce qui le faisait ressembler à une chimère arachnéo-humaine… Fabien sentit son estomac se nouer devant cet Everest de la misère humaine…
Peu après, aux antipodes de cette scène, dans l’ambiance légère du Scudetto, le restaurant italien qu’ils avaient choisi, tandis que l’un s’affairait avec sa quatre-saisons et l’autre avec sa pizza au dauphin, Lucas s’enquit enfin de l’état de la relation entre son ami et Amandine.
« Ça va à peu près, répondit-il… Parfois on s’engueule… » (Ce que Lucas se devait de comprendre par « Parfois elle m’engueule ! »). « Mais dans l’ensemble, ça va, conclut-il sobrement. Et pour le boulot, t’en es où ? demanda-t-il en se versant du rosé du pichet.
Justement, j’ai un entretien demain, pour un poste de commercial à Aix… répondit Lucas en montrant à la serveuse le petit brau d’eau déjà vide… Alors aujourd’hui, c’est relâche… » Ce qui ne changeait guère ses habitudes, pensa Fabien.
Après être sortis du restau, ils se rendirent dans une salle de jeux vidéo. Après avoir tué quelques dizaines de zombies en amuse-gueule, ils se mesurèrent en combat aérien sur simulateur de vol gyroscopique… Lucas en sortit vainqueur haut la main, avec trois victoires en trois combats. Fabien regretta d’avoir choisi la configuration F39 Pitbull. Sur certaines manœuvres, notamment les tonneaux, on pouvait tout de même encaisser près de 2 g, et il jeta l’éponge dès qu’il sentit les prémices d’un mal au cœur. Il n’aurait pas été de bon goût de se vomir dessus une bouillie de pizza macérant dans du rosé… Il posa le pied à terre, mais il était trop tard, la réaction était déjà enclenchée… Il n’eut alors que le temps de se presser aux toilettes pour tout rendre... Puis, après les avoir quelque peu marquées de son empreinte, il fut temps de quitter prestement ce lieu…
Un peu de randonnée urbaine fut alors la bienvenue pour reprendre des couleurs. En chemin, un tag mystérieux sur un platane les amusa… Un œil unique avec pour légende : ZGÜLL VOUS OBSERVE. Dans une rue déserte, ils virent un troupeau de rats faire la teuf sur un amas de poubelles, certains aussi gros que des chats castrés… Ils changèrent de trottoir…
Plus loin, un clochard accroupi feuilletant un exemplaire froissé du Figaro avait posé à côté d’une petite assiette en plastique une pancarte précisant « svp pour une villa a saint tropez »… Lucas contribua à son projet à hauteur de 80 centimes.
Ils terminèrent l’après-midi dans un bar encore désert en cette pré happy hour. Assis au comptoir, Lucas testa une bière italienne pour accompagner son chichon, alors que Fabien s’en tenait judicieusement à un Coca. Ils discutèrent de l’OM. Ils discutèrent quelque peu avec la barmaid, vague connaissance de Lucas. A l’un des commentaires de Fabien, la jeune fille fit : « Pourquoi ? Vous avez quel âge ? ». En réponse, il lui demanda combien elle lui donnait. « Vingt-trois ? » hésita-t-elle. De la main, il lui fit signe de monter son chiffre. Elle dut en donner trois autres pour arriver à vingt-huit. « Vingt-huit et demi… » précisa même magnanimement un Fabien Caramel flatté d’être ainsi pris pour un jeunot.
Peu après cette microvictoire, les deux potes prirent congé l’un de l’autre.
« Merde pour ton entretien, lui souhaita Fabien. Cette fois, faut que ça marche !
Je mange un rat si ça marche pas ! » lui répondit Lucas avec une conviction certaine, juste avant qu’ils ne se bisent.

De retour à la maison, le premier geste de Fabien fut d’allumer l’écran plasmique. Il tomba sur un clip de Palyss, la rappeuse, qu’il zappa au bout de quatre secondes pour passer sur une chaîne d’info, tombant en pleine page de pub… Il en profita pour aller directement aux toilettes. Il s’amusa alors à faire le plus de bruit possible en urinant, pour tenter de recouvrir les voix provenant du séjour, qui proposaient toutes des objets synonymes de bonheur. Tout en se soulageant, il s’en mit quelques gouttes sur les doigts, qu’il essuya sur son jean. Sans s’être lavé les mains, il alla directement à la cuisine se chercher à boire.
Le temps de revenir, un nouveau point sur l’actualité débutait, avec bien sûr en ouverture les événements de Disney World. Affalé sur le clic-clac, un verre de jus de kiwi à la main, il trouva les images très télégéniques, avec un immense brasier s’élevant du château de la Belle au bois dormant, et surtout ces sauterelles si étonnantes qui semblaient bondir hors de l’écran… comme si la 3 D n’avait été inventée que pour elles… Sacrées bestioles… se dit-il.
Pour faire bonne mesure, il compatit sur le sort des victimes. A l’écran, les secouristes s’occupaient des blessés. Certains hurlaient. La vue de la tête de Minnie séparée de son corps caoutchouteux, tous deux maculés du sang de l’homme qui lui avait prêté vie, était particulièrement fascinante. L’image revint aux insectes, et comme ce matin, le commentaire conjecturait sur leur origine transgénique.
« Saletés d’OGM ! » dit Fabien en secouant la tête de manière réprobatrice.
Puis, se rappelant les cafards gambadant de temps à autre dans la cuisine, il pensa : J’espère qu’ils vont pas goûter aux céréales d’Amandine…
Les infos suivantes étant nettement moins croustillantes, il fit apparaître plusieurs fenêtres sur l’écran, à la recherche d’un canal capable de prolonger sa léthargie télévisuelle.
Malgré ce déferlement d’images, le programme le plus intéressant arriva pourtant de la vraie fenêtre, celle qui donnait sur l’immeuble d’en face. Fabien tourna machinalement la tête lorsqu’il perçut du coin de l’œil l’apparition de la voisine dans l’encadrement. Elle avait ouvert la fenêtre, et s’appuyait négligemment sur le rebord, plongeant son regard vers la rue. En fait, tout plongeait, y compris et surtout sa poitrine sévère, particulièrement mise en valeur par un décolleté king size. Elle avait la quarantaine, cheveux clairs coupés très courts, et hormis ces considérations physiques, Fabien ne savait rien d’elle.
Il se leva et s’approcha de sa fenêtre, invisible derrière son rideau. Autant qu’il ait pu en juger, elle avait des horaires très irréguliers, voire était souvent absente pendant quelques jours. Qu’est-ce qu’elle peut bien foutre ? se demandait-il parfois. Quoi qu’il en soit, quand il était seul et qu’il l’apercevait, il ne pouvait s’empêcher de la mater. Il était d’autant plus intrigué que jamais il n’avait vu la moindre personne lui rendre visite. Elle vivait seule au sens littéral du mot. Pas de famille invitée, pas d’amie passant prendre un verre, et encore moins un homme pour la serrer dans ses bras. Et ce, depuis près de trois ans qu’elle habitait là. Avant de rencontrer Amandine, elle avait été son grand fantasme, et quelque part elle le restait. Fabien s’était souvent imaginé pétrir à pleines mains les seins hypnotiques de cette femme mystérieuse. C’était d’ailleurs ce à quoi il se laissait à nouveau aller… Poursuivant plus encore son rêve éveillé, il imagina la voisine pénétrant dans cette pièce, et relevant délicatement le haut pour découvrir cette poitrine irréelle, ces seins auxquels il aurait tant aimé s’abreuver… Elle dégrafa lentement son soutif (vu d’ici, du 95 C au bas mot). Déployant ainsi des obus felliniens qui narguaient toujours la gravité même sans soutien, il la vit s’agenouiller devant lui, défaire un à un les boutons de son jean, et le faire glisser le long des ses jambes maigres… Elle resta ainsi immobile de longues secondes… Puis soudain, en un geste vif elle lui baissa des deux mains son caleçon ! Yeux mi-clos, elle avança alors lentement son visage vers ce sexe qui bombait le torse… et enfin, enfin, tandis que Fabien se sentait aussi excité qu’une jeune femme à laquelle on aurait offert un bon d’achat de 10.000 € chez IKEA, slurp ! elle l’engloutit dans sa bouche merveilleuse et commença à…
« Bonsoir mon p’tit mari… lui dit Amandine d’une voix sans ressort.
Amandine ??
Qui veux-tu que ce soit ?
Je t’ai pas…entendue entrer… bredouilla-t-il.
Tu ne m’as pas l’air du tout dans ton état normal, Fabien… »
Pendant qu’elle le regardait avec insistance, il prit conscience de plusieurs choses :
a) La voisine se prélassait toujours à sa fenêtre.
b) Par sa seule présence, elle avait remonté sa pendule à midi.
c) Encore plus fort : pendant qu’il était parti dans son trip, il s’était caressé et avait machinalement déboutonné deux ou trois boutons de sa braguette au passage…
d) Lui qui culpabilisait au quart de tour, il était en train de faire la tête du petit garçon surpris par maman dans sa chambre en train de feuilleter Penthouse.
Des perles de sueurs s’apprêtaient déjà à apparaître... Face au danger, son cerveau reptilien lui commanda de dire la première chose lui passant par la tête pour faire diversion de ce délit pour lequel il s’était auto-inculpé.
« Toi aussi, tu m’as l’air bien fatiguée, ma pauvre Amandine… Tu veux que je te dise ? Tu es en train de te faire bouffer par ton boulot… Et ça, c’est bon ni pour toi, ni pour moi… »
Il passa devant elle en courant d’air et sortit de la pièce, comme s’il avait à faire, et se reboutonna dans la cuisine en un tournemain. Ceci fait, il revint pour lancer à une Amandine circonspecte : « Y’a pas que le boulot dans la vie, merde ! Si on t’en file trop, refuse-le ! Tu te fais manipuler comme une bleue… »
Question diversion, ce fut particulièrement bien trouvé, car cette réplique eut le don, à défaut du mérite, de mettre hors d’elle une Amandine Bereta déjà passablement énervée par sa journée de travail à Entressen [entre seins], la pire depuis bien longtemps, avec un sérieux accident pour un ouvrier, entraînant un accrochage avec le contremaître, et pour finir un appel de son chef voulant savoir pourquoi ça n’avançait pas plus vite, et lui remettant une couche de pression pour faire accélérer les choses.
« Non mais, je rêve !! explosa Amandine en comprenant en cet instant toute la plénitude de l’expression « les bras m’en tombent ! ». Aujourd’hui j’ai eu une journée de merde comme jamais, et Monsieur, bien au chaud toute la journée, se permet de me donner des conseils sur ce que je devrais faire ?!
Je suis…
Tais-toi !… Tu ne me demandes plus où je suis allé, ce que j’ai fait… Il n’y en a plus que pour toi, toi, et toi !! Et en plus, maintenant tu me donnes des conseils ?! »
Les larmes lui montèrent aux yeux pendant que Fabien baissait les sien…
« Excuse-moi », murmura-t-il.
Il s’avança pour l’embrasser, mais Amandine détourna la tête.
« J’ai vraiment pas envie. Je suis épuisée, moi.
Ecoute, c’était pour ton bien que j’ai…
Pour mon bien ? Arrête, Fabien, tu aggraves ton cas… »
Il voulut essayer de se justifier, expliquer que ce n’était pas ce qu’il avait voulu dire, et que de toute façon, elle savait bien qu’il était un gaffeur né…
Finalement, aucun mot ne sortit, et il préféra se diriger tête basse vers la fenêtre pour fermer ces fichus volets, mais surtout ne plus croiser son regard.
Elle le coupa dans son élan en lui disant : « Au fait… Tu ne fermes même plus ta braguette, maintenant ? »
Décontenancé par sa remarque, il trouva tout de même à lui répondre : «  Ho, ça ? Je suis sorti des chiottes juste avant que tu arrives, et j’ai mal fermé le magasin. Tu sais comment je peux être distrait, des fois… » fit-il en osant un léger sourire.
Celui-ci resta lettre morte. Au contraire, ce fut à cet instant qu’il reçut le coup de grâce :
« Distrait, distrait… Je n’ai pas envie de passer toute ma vie avec quelqu’un qui est toujours dans la lune… » dit-elle avec des yeux rougis.
Fabien sentit un frisson glacé le parcourir. Il resta pétrifié quelques instants, puis réussi à prendre sur lui pour avancer vers elle. Il voulu la serrer dans ses bras, mais elle le repoussa fortement en criant « Laisse-moi tranquille ! », avant d’aller s’enfermer dans la salle de bains.
Fabien, qui avait maintenant bien débandé, chuchota, en esquissant un « Non » de la tête : « Quel con je fais. J’en rate pas une… » Puis il pensa : Ce soir, c’est pas gagné…
Après avoir ainsi illustré à ses dépens le fait que les victimes nées se sentent toujours obligées de donner le bâton pour se faire battre, il resta deux ou trois minutes à regarder la porte close de la salle de bains, et ce n’est que lorsqu’il entendit le bruit de la douche qu’il émergea de sa léthargie. Il alla enfin fermer ces putains de volets, puis se dirigea vers la cuisine pour y faire un rangement quelconque, et n’en bougea pas. Au sortir de sa douche, Amandine se réfugia dans la chambre. Ils purent ainsi s’éviter, et surtout éviter que la moindre étincelle ne remette le feu aux poudres.
Ha ! Si ! Il se croisèrent quelques secondes lorsque Amandine vint chercher son yaourt aux algues quotidien, avant de ressortir aussitôt sans mot dire.
Ce qu’il n’avait pas pu lui dire par des mots ou des gestes, Fabien décida alors de l’exprimer par la cuisine, en préparant avec le plus d’amour possible sa spécialité : les pâtes au roquefort. Dédicacées à Rita !
Lorsque cela fut fait, il alla la chercher dans la chambre pour lui annoncer que le repas était prêt. Allongée en travers du lit, elle feuilletait un magazine et répondit qu’elle n’avait pas faim sans même lever la tête vers lui. Il insista, et elle finit par venir, à contrecœur.
Le dîner se déroula comme prévu dans une ambiance pesante, et les paroles échangées le furent avec parcimonie et sans chaleur.
Fabien, le nez dans son assiette, n’osait pas parler, craignant que le moindre mot fut mal interprété. Mieux valait laisser les choses se tasser d’elles-mêmes. Quand le match est difficile, d’abord chercher à préserver le 0-0… se coacha-t-il. Comme Amandine se contentait de manger en regardant d’un œil distrait les images défilant sur l’écran, ce fut leur repas le plus silencieux depuis longtemps.
Tout comme il avait préparé le repas et mis la table, il se leva pour la débarrasser avec le zèle de celui qui veut se faire pardonner… Passant derrière Amandine, il l’embrassa furtivement sur la tête au passage.
Immédiatement, elle se leva elle aussi, le rattrapa, et lui enserra le visage de ses mains. Elle l’attira alors vers elle et, levée sur la pointe de ses petits pieds, le harponna de sa langue.
Surpris par tant d’intensité, Fabien faillit en lâcher l’un des verres.
« C’est si bon quand on se réconcilie, remarqua Rita avec son sourire d’ange.
C’est sûr », répondit béatement Fabien, qui ne perdait pas le nord pour autant, puisqu’il se débarrassa aussitôt de tout ce qui lui encombrait les mains. Il put ainsi enlacer Rita tout à son aise. Il noya son visage dans sa longue chevelure brune, douce comme de la soie, et huma intensément sa fraîcheur. Puis il la fit basculer délicatement sur le canapé. Elle enleva alors son pantalon, tandis qu’il lui massait les seins à travers son tricot. Ils étaient plus petits que ceux de la voisine, forcément, mais de jolie forme et agréablement tendus en cet instant. Rita défit alors les boutons du jean de son homme, le poussa sur le dos, extirpa son sexe bien éveillé et s’empala dessus avec autorité. Puis elle se coucha sur lui, après que l’hormone du plaisir — franchement moins connue sous son nom de lulibérine — ait été libérée dans leur cerveau (respectif).
Ils restèrent ainsi quelques minutes l’un sur l’autre, sans rien dire. Puis Amandine interrompit ce défilé d’anges qui passaient…
« Pourquoi est-ce qu’il faut toujours qu’on se dispute ?
— … Parce qu’on est vraiment deux extrêmes, répondit Fabien après plusieurs secondes de réflexion. Des comme nous ensemble, il faut vraiment le voir pour le croire… Si on le racontait à des gens qui nous connaissent pas, ils le croiraient pas.
Même si des fois ça fait des étincelles, c’est vrai que c’est ça qui nous a attiré l’un vers l’autre…
Oui, c’est exactement ça », mentit-il, sachant très bien que si cela avait été une autre fille pas trop moche qui s’était intéressée à lui, le résultat aurait été le même. Mais il ne pouvait tout de même pas lui avouer que quand on est timide, on prend ce qu’on trouve.
En l’occurrence, il avait eu de la chance en tombant sur elle, car Amandine, en dépit de sa dent parfois dure, était par ailleurs on ne peut plus charmante. 

Un an qu’il étaient ensemble. Quinze mois, pour être précis. Il gardait de leur rencontre un souvenir idyllique. Et si l’on revoit à l’instant de sa mort les principaux moments de sa vie, nul doute que celui-ci serait conservé dans les pages de ce power point terminal.
D’habitude, il n’allait jamais seul dans les bars, à cause donc de sa timidité qui l’empêchait de socialiser, comme disent les anglais. Lier connaissance avec des inconnus lui était quasiment impossible. Mais c’était surtout avec les inconnues que cela portait préjudice, évidemment… Mais ce samedi soir-là, seul dans son appartement, il était vraiment en pleine déconfiture morale. Lucas pas là, à l’idée de passer encore un énième week-end sans parler à personne, il se sentait autant à plat que la batterie d’une voiture restée sans rouler durant tout l’hiver… Il avait compté qu’entre le moment où il avait quitté le boulot tout à l’heure, et celui où il reprendrait, mardi matin, il s’écoulerait quelque chose comme soixante-trois heures. Soixante-trois heures où il ne causerait peut-être à personne d’autre qu’à la caissière de Casino durant huit secondes au mieux… De telles statistiques avaient contre toute attente fini par faire sauter l’antivol qui le bloquait constamment, et il s’était subitement décidé à aller prendre un verre dans le pub situé sur le Vieux-Port, le O’Malley’s.
Quand il entra, tout de jean pourrave vêtu, soit sa tenue de camouflage pour la jungle urbaine, l’endroit commençait à se remplir. Fabien se dirigea vers le comptoir, et s’y accouda, l’air décontracté. Au dessus de lui était suspendue une écharpe de Chelsea. Il commanda une blanche pression, et la sirota le plus lentement possible en suivant vaguement le vieux film diffusé sur les pléthoriques écrans du lieu. Il s’agissait d’un film d’horreur, Alien, le premier, le vrai. Rien à voir avec Virgins for Alien, sorti il y a quelques mois avec la Sigourney Weaver numérique : une vraie daube intergalactique !
Oublié au milieu des gens, il commençait à se sentir à l’aise. Personne ne le calculait, mais personne ne le montrait non plus du doigt en se foutant de sa gueule sous prétexte qu’il n’avait pas d’amis.
A un moment, il eut la bonne surprise de voir qu’une fille avait pris place près de lui. Sans avoir l’air d’y toucher, il s’intéressa à elle. Elle commanda une Guinness, puis se tourna vers un écran lorsqu’elle fut servie. Fabien la trouva immédiatement à son goût, avec ses longs cheveux, ses formes troublantes et… sa petite taille. Lui qui n’était pas bien grand avait ainsi l’impression de pouvoir mieux tenir son rôle de mâle dominant.
Pendant qu’elle savourait sa bière, portant et reportant le verre à ses épaisses lèvres pour en avaler de fines gorgées, Fabien se torturait l’esprit pour trouver un moyen pas trop téléphoné d’engager la conversation. Il voulait lui dire quelque chose d’original, bien sûr, mais en même temps de suffisamment neutre pour ne pas sembler la draguer trop ouvertement, se disant qu’une fille pareille devaient voir défiler des escadrons de mecs se présentant la queue sous le bras, jusqu’à en faire une allergie. Aussi, les « Vous venez souvent ici ? », « On s’est pas déjà vu ? » et autre « Tu as une clope ? » lui semblaient à proscrire sous peine de grillade...
Au bout d’une dizaine de minutes d’intense cogitation, il en était toujours à chercher La réplique, celle qui fait tomber les murailles les plus solides à son seul énoncé...
C’est alors que, ne quittant pas le film des yeux, et d’une voix claire émergeant au milieu du tumulte ambiant, la fille dit en hochant la tête en direction de Sigourney alias Ripley, qui tenait un lance-flamme et prenait les affaires en mains à bord du cargo spatial Nostromo : « Elle en a du courage… Moi, je ne sais vraiment pas si je serais capable de me lancer à la poursuite d’un monstre pareil dans des couloirs si sombres… »
Machinalement, Fabien répondit : « Moi, je crois que je jetterais mon flingue par terre, que je m’assiérais contre un mur, et que je me mettrais à pleurer le visage dans les mains… »
Elle tourna le sien vers lui et le regarda pendant plusieurs secondes, manifestement surprise. Puis elle éclata de rire. Un rire chaleureux, qui lui fit des plis sous les yeux. Fabien adora immédiatement ce regard...

Si ça vous a VRAIMENT plu, la suite en achetant le bouquin (600 pages : c'est rentable ! ;-) ), et ainsi m'encourager à en faire un autre...



vendredi 19 avril 2013

UN MENTAL DE FOOTBALLEUR ALLEMAND, c'est ça : Episode I


Les hologrammes de l’équipière du mois, installés sur la droite de chacune des deux entrées de l’hyper fast-food, accueillaient les clients avec un grand sourire aguicheur bien accordé avec cette nouvelle tenue rouge translucide portée par le personnel féminin. Casquette avec le « M » doré sur le devant, diamant en plastique dans un nombril dévoilé par une brassière, microjupe à boutons jaunes sur le côté et escarpins à talons carrés, ce mirage magnétisait les regards de tous les mâles franchissant la porte.
  Sans vouloir trop y voir de malice, et bien que ce fut une distinction mixte, c’était systématiquement une (jolie) fille qui décrochait ce titre et se retrouvait, que cela lui plaise ou non d’ailleurs, ainsi exhibée pendant un mois en 3D et en photons.
  Par contre, les deux vigiles à oreillette en costume sombre se tenant non loin étaient quant à eux tout en chair et en muscles.
  Ce qui attirait ensuite l’attention était la décoration. Supposée symboliser une alimentation saine, elle comportait des côtes de bœuf, des tournesols, des épis de maïs et autres tomates et concombres en plastique accrochés aux murs, ainsi que des gousses d’ail en téflon suspendues au plafond. Un vrai petit potager synthétique, avec des chants d’oiseaux en fond sonore. Des chants qui étaient plus devinés qu’entendus, à cause du brouhaha produit par ces vingtaines de personnes attablées qui parlaient, mastiquaient et buvaient, le tout en même temps semblait-il. Dans quelques minutes, dans le grand turn-over du samedi soir elles seraient remplacées par d’autres vingtaines de personnes qui, pour l’instant, faisaient la queue aux caisses.
  Sur des écrans, des publicités étaient diffusées en boucle. On pouvait y voir pêle-mêle la bande-annonce de la Palme d’Or du dernier festival de Cannes, Mouettes mécaniques, d’Eric Cantona, suivie d’une pub pour une crème censée augmenter la taille du pénis en trois semaines, Pinocchia, illustrée avec force images avant/après.
  Mais dans le tourbillon de voix et de bruit engendré par le rush, personne n’y prêtait attention. Et encore moins la fille qui parlait. Le garçon, lui, l’écoutait. Puis ce fut leur tour de passer commande à la caisse numéro 7.
  Rita prit un menu Mad Green (algaburger et frites à l’huile d’olive), avec un Coca light. Fabien, lui, commanda un Mad Bug (assortiment aux six insectes), un dolphinburger, une grande bière et un grand milk-shit.
  Tandis que Rita sortait son portable pour régler, Fabien fut frappé par l’immense expression de lassitude qui transparut un instant sur le visage du garçon face à eux. Avec sa casquette et son uniforme rouges, on aurait dit un vieux pompiste desséché par le soleil, comme dans un vieux film américain. Celui-ci se ressaisit en donnant le ticket de caisse à Rita, et arbora à nouveau l’expression avenante qu’il avait quelques secondes plus tôt. Et oui, même ces deux-là pouvaient être des inspecteurs de la boîte, et ils n’auraient aucun scrupule pour signaler tout manquement à la règle numéro 1 : « On a le sourire jusqu’au dos, car on est équipiers chez Mado ! » Ce ne fut donc qu’à demi rassuré qu’il les regarda s’éloigner…

  Ils s’assirent à l’une des rares tables libres, et commencèrent à ingurgiter. Entre deux bouchées, Fabien cachait mal un sourire béat. La compagnie de Rita le plongeait dans une douce euphorie… Après une semaine de travail ennuyeuse, et surtout cette longue et pénible journée de samedi jusqu’à 19 heures, la savoir enfin à lui le rendait simplement heureux. Avec elle, il avait vraiment la sensation de vivre, même lorsqu’ils ne faisaient rien d’extraordinaire. Elle transformait la grisaille en lumière par sa seule présence. C’était son p’tit catalyseur à lui, Rita !
  A vrai dire, elle s’appelait Amandine, mais son troisième prénom était Marguerite, comme sa grand-mère. Et comme Rita est le diminutif de Margarita… En fait, Fabien ne l’appelait pas trop souvent ainsi pour ne pas finir par l’énerver. Mais dans sa tête, c’était par ce prénom qu’il pensait à elle la plupart du temps. Il trouvait vraiment que ça sonnait trop bien ! Un jour, il l’avait faite rire en lui disant avoir lu que Sainte Rita était la patronne des putes et des cas désespérés… Enfin, elle avait surtout ri jaune. Comme la fois aussi où il lui avait dit qu’Amandine était un prénom à la noix… Il ne fallait pas trop la titiller, Amandine, parce que sinon… C’était une sacrée drôlesse, et elle pouvait devenir méchamment cassante quand elle s’y mettait. Alors Fabien, sachant comme elle fonctionnait, tournait (lorsqu’il y pensait) sept fois plutôt qu’une sa langue dans sa bouche avant de lui parler. Et si, malgré cela, il se recevait une pique glaciale en retour, il se disait laconiquement que c’était parce que là, il était tombé par erreur sur Amandine. Par contre, quand elle lui faisait son grand sourire qui lui donnait des plis sous les yeux, là c’était sa Rita !
  « A quoi tu rêves, encore ?! lui demanda Amandine. Tu as encore mis ton écran de veille ?
  — Hein ? De quoi ?
  — Je vois bien que tu m’écoutes pas. Ça m’énerve quand tu fais l’autiste comme ça…
  — Ça doit être les grains de pavots, pirouetta Fabien en montrant son burger. J’ai l’impression qu’ils sont plus concentrés que d’habitude…
  — Tu parles… Ça m’énerve quand tu regardes par-dessus mon épaule, dans le vide… Je sais jamais à quoi tu penses…
  — Je te l’ai déjà expliqué… C’est vrai que je décroche facilement… mais je ne suis jamais loin. Même si j’ai le regard dans le vague, j’ai le radar de veille qui fonctionne. Et s’il y a un mot qui fait tilt, hop ! là je reviens tout de suite dans la conversation !
  — Tu es en train de m’avouer que tu n’en as rien à faire de ce que je te raconte, c’est ça ?
  — Mmmh… fit Fabien en touchant machinalement sa nuque. C’est pas ce que je voulais dire, tu le sais bien… Pour me faire pardonner, tu finis mon dolphin ? lui proposa-t-il pour changer de sujet, sachant très bien que ce genre de burger la révoltait.
  — Beurk !! Comment peux-tu manger ça ?… Pauvres bêtes… Un de ces jours, j’arriverai à te faire arrêter.
  — Avec tout ce qu’il y a dans la viande de synthèse, je préfère encore manger ça.
  — Parce que les dauphins, tu crois qu’ils les nourrissent seulement avec des petits poissons bien naturels, peut-être ?
  — Bof ! Faut bien manger quelque chose, de toute façon… » fit-il avant de terminer son hachis de dauphin. Une fois celui-ci recouvert d’une couche de zenifiant milk-shit dans son estomac, il demanda :
  « Bon, on va se le voir, ce film ?
  — On y va ! répondit Amandine en se levant.
  — On va voir quoi, au fait ?
  — On a dit qu’on allait voir Le divorce du Jedi !
  — Mais il est nul, ce film…
  — Tout à l’heure, on était d’accord !
  — Oui, mais… C’est le douzième épisode de la série, et là je sens que ça sombre vraiment dans le ridicule...
  — Ecoute, Fabien, j'ai plus envie de discuter, OK? Alors, on fait comme on a dit ! »
  Sur ce, son plateau dans les mains, elle se dirigea vers la poubelle la plus proche sans attendre de réponse.
  « OK, OK, sus au Prado 5 D… » marmonna-t-il.
  Il se leva et la rejoignit.
  « Didine…
  — Quoi encore ?! fit-elle en se retournant.
  — Je t'aime… lui dit-il en inclinant légèrement la tête sur le côté.
  — Moi aussi je t'aime », répondit-elle, un peu surprise. L'instant d'après, elle lui souriait.
  « J'aime bien quand tes yeux sont plissés comme ça, Rita… »
  Il posa son plateau et l'embrassa, la bouche encore tapissée de particules de cétacés…

   Alors qu’il n’était encore qu’un bébé de quelques mois, Fabien avait été confié à la garde de ses grands-parents paternels.
  En effet, pour le dernier Noël avant l’an 2000, la famille Caramel, composée de Christophe, Nathalie, et de leur tout-petit, Fabien, était allée passer les fêtes chez Maryse, la grand-mère de Nancy, qui y vivait seule depuis le décès du père de Nathalie.
  Elle habitait dans la Grand Rue, à deux pas de la Pépinière, le plus grand et le plus célèbre parc de la ville, endroit habituel des balades familiales du dimanche après-midi.
  Mais en cette matinée de Noël, après avoir fait le tour dudit parc et admis qu’effectivement, la place Stanislas « c’est beau… », Christophe avait eu envie d’une grande promenade dans une campagne contrastant tellement avec la Provence.
  « On fera ça demain, d’accord ?… », lui répondit malheureusement Nathalie…

  Fabien ayant été laissé chez Mamie, qui avait promis de leur préparer pour le soir une grande spécialité lorraine, les roubignoles de bœuf — « Ha ? Heu, super… », avait répondu son beau-fils —, ils partirent donc mari et femme au petit matin du 26 décembre.
  « Ça va nous aider à digérer toute la mirabelle qu’on a bue hier soir, estima Christophe en conduisant. Ça, c’est vraiment du plaisir liquide… Au fait, Nat, si tu peux demander à ta mère de nous en trouver trois ou quatre bouteilles… Mais de la vraie, fabriquée maison, hein ! Ces mirabelliers, c’est la plus belle invention de la Lorraine, je crois… Après toi, bien sûr… »
  Malheureusement, et alors qu’au vu des circonstances ils venaient juste de rebrousser chemin, ce ne fut pas un petit mirabellier mais un énorme conifère qui s’abattit sur le pare-brise de leur Clio lors de cette tempête du millénaire qui traversa la France ce « Boxing Day »-là, et dont la Lorraine fut l’une des régions les plus touchées. Les dernières paroles de Christophe Caramel furent : « Putaing !! C’est la folie !! C’est pire que le mistral ! »

  Bien des années plus tard, Fabien avait rencontré quelques-unes des personnes ayant connu ses parents, pour collecter leurs souvenirs et essayer ainsi de les connaître par procuration. Il en ressortait que Christophe et Nathalie avaient manifestement été aimés, et ce n’était pas seulement des paroles de circonstance... Entendre cela avait avivé sa peine, mais il le fallait…
  Et s’il devait ne garder qu’une anecdote les concernant, ce serait celle entendue de la bouche d’une amie de sa mère. Car peu de temps après sa naissance, au cours d’un repas entre collègues consolidés, Chris avait raconté les conditions de la conception de Fabien, sous les « Chut ! » faussement courroucés de Nat… Ils se trouvaient en vacances à Paris lors de la finale de la Coupe du monde de foot ’98, « Celle gagnée par la France contre le Brésil », crut bon de leur préciser la narratrice. Après la nuit de folie qui s’en était suivie sur les Champs, ils n’étaient rentrés qu’au petit matin à leur hôtel, situé près de la gare de Lyon. Bien sûr, ils s’étaient plus où moins perdus… Passant par Bastille, et après avoir apprécié à leur juste valeur les artistiques filets de corde permettant à un opéra de plusieurs centaines de millions de francs de tenir debout, ils avaient tout d’un coup trouvé (surtout Christophe, à vrai dire) particulièrement excitant d’escalader la grille d’accès au Viaduc des Arts, cette ancienne voie ferrée transformée en promenade aérienne, histoire de « faire encore un tour avant de se coucher »… Et c’est finalement là, en ce lieu (bien) nommé la Coulée Verte, enchanteur le jour mais plutôt flippant la nuit à moins d’être bourré, entre ciel et terre mais surtout entre deux arbustes, que le petit Fabien fut conçu. C’est du moins ce que son père, fou de foot en bon marseillais qu’il était, se plut à croire durant les quelques mois qu’il partagea avec son fils. D’ailleurs, il lui donna le même prénom qu’un certain chauve champion du monde ce soir-là. Et voila comment on en vient à se coltiner un prénom désuet pour le restant de ses jours… réalisa Fabien… D’autres parents avaient cependant eu la même idée, puisque la « courbe des Fabien » soubresauta jusqu’à l’année suivante…

  Si Fabien Caramel fut sans doute conçu à Paris, Amandine Bereta était quant à elle une vraie parisienne. Enfin, si l’on pouvait appeler ainsi les gens dont les parents étaient venus dans la capitale pour y gagner leur vie, et qui s’y étaient finalement installés pour de bon (en zone 3, du moins…). Mais elle finit un jour par en avoir vraiment assez des métros bondés, des loyers hors de prix, du stress et de la pollution, qui se traduisait d’ailleurs par de l’eczéma sur son beau visage. Et à la différence de ces milliers de Parisiens qui crachaient continuellement sur leur ville en jurant qu’ils s’installeraient bientôt en « province » mais ne le feraient jamais, elle ne cracha sur rien ni personne et partit un jour. Vers le sud. A Marseille. Où elle retrouva d’ailleurs toutes les plaies urbaines qu’elle tentait de fuir… Enfin, les mêmes, mais juste en pire… Mais avec un ciel littéralement d’azur en prime (les jours de mistral). Et c’est donc dans cette ville à nulle autre pareille, la seule peut-être que l’on pouvait adorer et haïr en même temps, que vivait un certain Fabien Caramel. 
  Et celui-ci ayant une anecdote si croustillante sur son lieu de conception à raconter à une fille venant de la capitale, il n’était pas si étonnant qu’une étincelle se soit produite entre eux lors de leur rencontre…

  En ce lundi matin, lorsque le 5 de 6:45 remplaça le 4 de 6:44, la radio se déclencha dans la chambre à coucher des Caramel-Bereta…
  « …ont ravagé hier le célèbre parc de loisirs situé en Floride. Ces sauterelles géantes, dont certaines mesuraient plus de soixante-dix centimètres de long, sont par ailleurs insensibles aux insecticides habituellement utilisés. L’US Air Force a donc dû intervenir pour disperser les nuées. Malheureusement, les dégâts qu’elle a par là même infligés au parc sont énormes, notamment à cause de l’utilisation de roquettes au napalm. Il semblerait que ce soit l’odeur intense de pop-corn régnant sur le lieu qui ait attiré les sauterelles, mais la direction du parc se refuse à confirmer cette infor…
  — C’est dingue, marmonna Amandine, les yeux encore clos.
  — Mmmmhhhhhhhhhh, émit Fabien, la tête en partie sous l’oreiller et réveillé en plein rêve. Réminiscence du ciné de samedi soir, il était dans la peau de Bjorn Skywalker échappant de justesse à la guillotine-laser…
  — … ne déplore fort heureusement que trois victimes, dont Minnie, décapitée par l’aile d’un des insectes…
  — Ils pourraient nous épargner ce genre de détail, commenta Amandine en ouvrant les yeux.
  — Z’informent, c’est tout, lui répondit mollement Fabien.
  — … d’après le professeur Michael D. Dould, le chercheur qui le premier avait découvert l’existence de ces insectes hypertrophiés, ils ne sont pas apparus spontanément. Leurs générations précédentes ont subi des changements morphologiques allant dans le sens d’une taille et d’une résistance aux insecticides croissantes. Ces changements, qui ont été favorisés par la pression sélective de leur milieu, auraient été induits par la consommation prolongée de maïs génétiquement modifié. Voilà ce que l’on pou…
  — Evidemment ! fit Amandine en se levant. C’est encore à cause de ça… C’est la Nature qui se retourne contre nous. Un jour, il arrivera quelque chose d’irréparable, et alors on aura l’air malin…
  — Mmh mmh… » approuva Fabien en passant de la position ventrale à la dorsale, tandis qu’Amandine se dirigeait vers la salle de bain. Il en profita pour zapper France Info en appuyant au hasard sur l’une des autres stations présélectionnées. Il tomba sur Roswell FM, une fréquence techno, ce qui lui convint pour un réveil plus en douceur, et décida alors de se lever. Enfin, dans cinq minutes… Quand son érection matinale se serait estompée…
  Ils se retrouvèrent peu après dans la cuisine pour le petit déjeuner. Alors qu’elle allait se verser des céréales, Amandine se ravisa.
  « Non, après réflexion, pas de céréales ce matin… Plutôt de la confiture. Ça m’a coupé l’envie, leur truc…
  — De toute façon, le transgénique, depuis le temps qu’on en mange… intervint un Fabien maintenant éveillé. Et de tout façon, y’en a dans tout, alors…
  — C’est ça le problème ! On n’a pas le choix.
  — Tu vois pas que tu te mettes à muter, toi aussi ? Imagine qu’il te pousse une queue, là… fit-il en lui posa la main sur le bas du dos…
  — Décidément, pour toi, toutes les occasions sont bonnes, nota Rita.
  — N’est-ce pas ? répondit-il en la frictionnant doucement…
  — Bon, c’est pas tout ça, mais faut que j’y aille, là… »
  Il ne la laissa pas partir sans le patin du matin. Puis Amandine se leva, finit de se préparer, et prit la direction de la porte.
  « A ce soir, mon chéri ! lui lança-t-elle de manière très affectée, sur un ton signifiant « ça sonne faux, mais c’est fait exprès ».
  — A ce soir, ma chérie ! » lui répondit-il en prenant la même intonation.
  Elle sortit. Il la suivit sur le pallier.
  « Rita ! fit-il.
  — Quoi ? » demanda-t-elle en se retournant
  Pour toute réponse, il l’embrassa relativement sauvagement.
  Lorsque la porte de l’ascenseur se referma sur Amandine, Fabien repartit… se coucher. Le lundi était son jour de repos, et il serait volontiers resté au lit tandis qu’elle se levait. Mais il avait vite compris qu’elle était très sensible à ce type d’attention. Alors, il se levait avec elle… pour se recoucher à son départ.

  Alors que Fabien savourait son oreiller, Amandine gara sa 208 sur le parking de Recycl’Age, la société où elle travaillait et qui s’occupait d’environnement. Lorsqu’elle coupa le contact de son véhicule, elle poussa un indéniable soupir. Bien sûr qu’elle était fière de son poste d’ingénieure dans cette boîte. Bien sûr qu’elle appréciait ses responsabilités et une certaine marge de manœuvre. Sans parler de la partie technique de son métier, la réhabilitation de sites pollués, qui lui donnait l’impression d’être vraiment utile. Il n’empêche…
  Moins de deux ans après son arrivée ici, et malgré le fait qu’elle eut toujours placé le travail très haut dans sa hiérarchie des valeurs, elle éprouvait ces derniers temps de la lassitude. Pas tant à cause de son emploi lui-même que de tout ce qui l’entourait, en premier lieu les interminables embouteillages qui finissaient par user les plus motivés. Ici, dans la ville de la voiture-reine, on ne se serait vraiment pas cru en pleine crise de l’énergie. Les marseillais foutaient vraiment n’importe quoi dans leur réservoir, pourvu que ça tourne ! En tant que maître d’œuvre, Amandine devait de plus gérer des déplacements à la fois longs et fréquents, de nombreuses réunions avec des élus ou des industriels, et des relations parfois tendues avec les sous-traitants pour le respect des cahiers des charges, sans compter les délais dépassés. Des questions professionnelles qu’elle ne pouvait s’empêcher de transformer en problèmes personnels. Enfin, au moins pouvait-elle maintenant considérer comme un mauvais souvenir ses premiers déplacements sur les chantiers, quand certains ouvriers basiques ne cachaient pas leur sourire en coin à la vue de cette petite minette venant superviser leur travail. Quelques recadrages plus tard, la situation était en main, et ce n’était pas là la moindre de ses fiertés.
  A vrai dire, le fait d’avoir effectué ses trois dernières années de lycée dans l’établissement militaire de Saint-Cyr l’Ecole, inscrite contre son gré par un père adjudant qui voulait la voir faire une carrière d’officier supérieur hors de portée pour lui, ne l’avait pas desservie sur ce point… Elle avait même manifestement très bien intégré la devise de l’école : « Je vaux ce que je veux ».
  Ce n’est pas le DRH de Recycl’Age, le ventripotent Monsieur Pepponet, qui aurait dit le contraire. Homme de l’ancienne école, et parité où pas, il ne l’avait reçue deux ans plus tôt que pour avoir le quota réglementaire de postulants féminins, en se disant aussi qu’il prendrait du plaisir à mettre sur le grill cette parisienne. Peut-être arriverait-il même à la faire pleurer, sous couvert de rapprocher l’entretien des conditions du réel… Il comptait bien faire comprendre à cette ingénieuse qu’elle s’était trompée d’adresse, et que ce n’était pas un travail de bonne femme qui était proposé. Surtout quand on est haute comme trois pommes… C’était justement ce qu’il ne fallait pas laisser entendre. Car dès qu’elle sentait des relents de sexisme ou des moqueries sur sa taille, Amandine sortait de ses gongs. Manque de bol pour Monsieur Pepponet, il cumulait les deux !
  Elle lui répliqua alors, en le pointant du doigt : « Vous humiliez les gens derrière votre bureau, là… Mais j’aimerais bien vous voir sur le terrain, en train de vous étaler au milieu des ordures ! Vous feriez moins le malin avec votre beau costume recouvert de merde !… Et avec un clou rouillé planté dans vos si chères parties !! » ajouta-t-elle en se levant, avec une température de –30°C dans la voix. Fabien aurait pu confirmer que quand elle s’y mettait, elle pouvait devenir bien plus froide que l’iceberg qui coula le Titanic…
  Paradoxalement, Monsieur Pepponet, qui mettait son alliance dans sa poche lorsqu’il devait rencontrer des jeunes filles, se montra favorablement impressionné par pareille répartie, et alors qu’Amandine lui tournait déjà les talons de ses boots, il décida sur-le-champ que cette petite brunette énervée était le candidat idéal pour le poste à poigne proposé.
  Puis, longtemps après, il conserva tout au fond de son esprit le souvenir de cet instant où il fut agressé par cette femme qui en avait, ainsi que la frissonnante sensation de vulnérabilité que cela lui procura. De fil en aiguille, cet incident ouvrit par la suite de nouvelles perspectives à son ennuyeuse vie privée… Il serait d’ailleurs retrouvé trois ans plus tard dans un caniveau, pieds et poings liés, nu avec une cagoule de cuir lui enveloppant totalement le visage. Mort étouffé… Quand on est asthmatique, il y a manifestement des jeux auxquels il vaut mieux éviter de jouer.

  Alors que Fabien se (re)levait à peine, Amandine se trouvait à une soixantaine de kilomètres de lui. Elle était au « beau » milieu de ce qui avait longtemps constitué la plus grande décharge d’Europe, située dans la Crau, partie du département où les bergers faisaient paître leur troupeau quand il y avait encore des bergers.
  Cette région est recouverte d’un immense désert de galets. Parfois, on peut avoir la chance d’en trouver un présentant la trace d’une érosion éolienne. Le bombardement des grains de sable pendant des millénaires a créé une pente plane d’un côté, alors que l’autre, protégé du vent, conserve son bombement naturel. Pour qui sait lire ce genre de détails, la Terre se révèle être le plus passionnant des romans.
  Bien loin de cette poésie naturelle, Entressen (prononcer [entre seins]), puisque tel était le nom de cette verrue purulente engendrée par la société de consommation, avait reçu pendant un siècle les déchets des marseillais à coup de convois ferroviaires quotidiens, flux nauséabond s’en venant cacher ce que personne ne voulait voir derrière chez lui.
  Lors de son « âge d’or », la décharge donnait la vision surréaliste de bulldozers flottant sur un océan de déchets et de sacs en plastique et entourés par des nuées de mouettes.
  Depuis sa fermeture, elle était « réhabilitée ». Les hommes tentaient de masquer ce pustule monstrueux en le recouvrant d’argile, de géomembranes, et même de végétaux. Mais tel un volcan éteint, un pareil titan n’était jamais totalement endormi, et pouvait se réveiller à tout moment. Et c’est ce qu’il avait fait quelques semaines plus tôt, en permettant à des infiltrations d’eaux pluvieuses de le traverser en un hideux accouplement enfantant une pollution de la nappe phréatique.
  Colmater les fuites et ramener la situation à la normale, ça c’était un travail pour Cap’tain Planète ! En l’occurrence Amandine et son équipe…

   Alors qu’elle livrait son éco-combat face à la décharge géante, Fabien allait se retrouver lui aussi face à un adversaire de taille : lui-même… Il sortit de l’appartement, ferma à clé, et alla jusqu’à l’ascenseur, qu’il appela. Puis il revint à la porte, saisit la poignée pour vérifier — cela ne coûte rien — que la serrure était bien fermée, et retourna devant l’ascenseur, qui s’ouvrit. Il y entra et appuya sur 0.
  Le temps de la descente, il fit une rapide vérification. Portable, OK… Clés, dans la poche, OK. Portefeuille… OK. Il sortit tout de même ce dernier, et l’ouvrit, pour être bien sûr que la multicarte s’y trouvait, le referma, le rouvrit, le referma, et le remit dans la poche intérieure de son blouson, dont il tira enfin la fermeture-éclair anti-pickpocket... L’ascenseur atteignit le rez-de-chaussée. Il en sortit, fit deux pas vers la porte d’entrée de l’immeuble, s’arrêta au milieu du hall, porta la main gauche juste sous la poitrine, coté droit. C’est bon, il y est. Il repartit vers la porte, l’ouvrit, et sortit enfin. Une bonne odeur d’urine urbaine l’accueillit aussitôt… Hé oui, même en automne, la ville ne sentait pas vraiment l’iode…
  La petite rue où il habitait était perpendiculaire au boulevard Longchamp, en haut de la Canebière. C’était un quartier assez proche du centre-ville, mais paisible et tranquille, dominé par un palais construit au XIXème pour célébrer l’arrivée de l’eau des Alpes à Marseille. Ainsi, les marseillais avaient-ils toujours la meilleure eau de France… tout du moins tant que le dernier des glaciers n’aurait pas succombé à l’ultime coup de chaud…
  Guère soucieux de cette échéance, Fabien se dirigea vers la station de métro « Réformés », passant près d’un employé municipal en train de nettoyer le caniveau par la méthode locale dite du « geyser »…

Suite à l'épisode II le 26 avril :
http://jamie-cumindor.blogspot.fr/2013/04/un-mental-de-footballeur-allemand-cest_26.html