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vendredi 29 août 2014

UN HOMME DE TEMPÉRAMENT - David LODGE




La biographie par David Lodge, l'un de mes auteurs préférés, du père de la science-fiction moderne, Herbert George Wells, relatant sa vie d'éternel coureur de jupons et mise en exergue par une excellente couverture, ne pouvait qu'exciter ma curiosité...

L'aura immense de cet écrivain, paraît-il le plus connu au monde dans les années '20, son goût prononcé pour les (jeunes) femmes, son épouse peu alléchée par la chose mais néanmoins très compréhensive, ses scrupules minimalistes et un don remarquable pour dirait-on aujourd'hui chercher les emmerdes, fait que ça tombait comme à Gravelotte... Une vraie rock-star, le père Wells!
Il les lui fallait toutes, et elles ne demandaient que ça! - y compris les hystériques - surtout si elles avaient des velléités d'écriture...
Et le voyeur de lecteur, lui, se régale!
Je vous rassure (?), cette vie romancée se lit sans accord parental...

Mais ce qui est encore plus intéressant ici, ce sont les nombreuses parties consacrées à la création littéraire, ou comment Wells recyclait perpétuellement son vécu mouvementé pour alimenter sa production.
On peut retenir pêle-mêle, ET LA NOTEZ BIEN, VOUS QUI RÊVEZ DE PONDRE UN JOUR UNE OEUVRE DE NIVEAU MONDIAL!, que pour créer des personnages et une histoire consistants, il faut :

  • Retranscrire l'intégralité de la personnalité prise comme modèle, et pas seulement une partie (même si vous craignez que la personne en question se reconnaisse), sinon le résultat sera bancal. 
  • Inverser ou modifier les détails autant que possible, pour que ça ne se voit pas trop quand même...
  • Etonner, provoquer, estomaquer le lecteur, sinon ça ne sert à rien d'écrire.
  • Au pire, allumer un contre-feu bien-pensant dans votre ouvrage suivant si vous avez grillé votre réputation précédemment...
  • Etre curieux, lire, alimenter sa culture.
  • Et surtout, ne jamais oublier l'essentiel : un roman doit raconter une histoire. Si vous vous contentez d'aligner des phrases creuses, aussi sophistiquées soient-elles, mais qui au final tournent en rond, cela porte un nom : enculage de mouches en voulant se la péter!! cf la querelle qui opposa Wells à Henry James, "grand écrivain" tombé aux oubliettes, à qui Wells avait fini par dire ses quatre vérités quant à son écriture, ce qui le fâcha définitivement (normal, il n'y a que la vérité qui...). 
D'un point de vue littéraire, Wells donna le maximum de sa puissance avant 1900, soit autour de la trentaine.
C'est là qu'il écrivit ses visionnaires Guerre des mondes et Machine à explorer le temps, ainsi que dans une moindre mesure L'île du docteur Moreau et L'homme invisible, c'est-à-dire les œuvres qui l'ont fait passer à la postérité. 
Il a publié des dizaines d'autres romans et essais par la suite, presque jusqu'à sa mort, mais semble s'être noyé dans des histoires vantant l'amour libre (qui prêchaient donc pour sa paroisse...) ou des écrits sociaux, oubliant manifestement que ce qui le rendait unique étaient ses talents prophétiques et son imagination : Il y a trente ou quarante ans (avant la 2ème GM), il avait décrit la destruction massive des grandes villes, les foules de réfugiés pris de panique engorgeant les routes, l'effondrement de l'ordre public et la plongée dans la barbarie, qui sont le spectacle que l'Europe présente aujourd'hui.

Cette biographie de David Lodge comporte d'agréables auto-interviews (mais oui!) d'HG (pour les intimes), mais aussi de longs chapitres relatant son adhésion à la Société Fabienne, club d'idées certes progressiste, mais néanmoins assez ennuyeux...
Enfin, je terminerai en disant que HG Wells a malheureusement vécu assez vieux (jusqu'en 1946) pour voir la réalisation de ses visions les plus noires - y comprit la bombe A - et finit sa vie en ayant perdu foi en l'Homme...