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vendredi 26 avril 2013

UN MENTAL DE FOOTBALLEUR ALLEMAND, c'est ça : Episode II (là ça devient "hot"...)


Assis sur le muret bordant l’entrée souterraine du métro Vieux-Port, Fabien Caramel donnait dans la contemplation. En cette mi-journée, sous cet agréable soleil d’automne, il observait la surface de l’eau. Contempler l’onde, même mazoutée, avait un effet apaisant sur lui. Dans cette situation, il arrivait enfin à s’oublier.
Autour de lui, le quai des Belges était plutôt calme. Le marché aux poissons venait de se terminer, les forains aux stands remplis de gadgets essayaient de capter l’attention des passants, et quelques touristes attendaient d’embarquer pour le Château d’If ou le Frioul. Un homme, ayant posé quelques livres d’occasion sur le muret, près de Fabien, lançait à intervalles réguliers un homérique « Aaaallez, la lecture c’est l’aventure ! »...
Fabien vit passer la femme délavée qu’il avait déjà remarquée deux ou trois fois parmi la foule de ce grand village qu’était l’hypercentre, « l’indienne », immanquable avec sa robe en daim à franges et son bandeau brun. Elle tenait un sac en papier kraft assorti à son ensemble.
A trente mètres au dessus de sa tête, deux gabians se coursaient en hurlant… Inspiré par le décor qui s’offrait à lui, son esprit se mit à vagabonder…
Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, l’horizon d’ici était barré par une grande carcasse de métal, le pont transbordeur. Constitué de deux pylônes plantés de part et d’autre de l’entrée du port et reliés par un léger tablier, un plateau y était suspendu, qui permettait de se déplacer d’une rive à l’autre, comme sur un tapis volant au dessus des flots. Il avait été dynamité en 1944 par les allemands lors des combats pour la libération de Marseille, pour bloquer le port. Comme obstacle, on ne pouvait en effet rêver mieux…
Fabien s’était déjà demandé quelle impression on ressentait à l’époque en le voyant pour la première fois. Sûrement qu’il donnait un supplément d’âme à ce lieu, comme une porte ouvrant sur le monde, qui signifiait aux navigateurs qui appareillaient : « Maintenant que vous allez me franchir, tout peut vous arriver, le meilleur comme le pire ! » Cela devait vraiment être quelque chose, tous ces bateaux, certains encore à voile, sûrement, arrivant ou repartant vers des contrées lointaines. A terre, les dockers débarquaient ou embarquaient dans leur ventre une multitude de tonneaux. Ils étaient entreposés sur une chaussée formée de pavés. Il y avait peut-être aussi des chevaux pour les transporter, qui parfois, le corps couvert d’écume, se retrouvaient dans l’incapacité d’avancer à cause de charges trop lourdes. Sous les coups d’hommes au cœur dur comme les pavés, ils devaient alors se mettre à ruer en poussant des hennissements de douleur que personne n’entendait. Et pour cause… Tout autour d’eux, grouillant comme des fourmis, des hommes de couleurs et de langues différentes gagnaient leur salaire à la sueur de leur front. Le soir venu, ils iraient en dépenser une partie entre les cuisses des filles travaillant dans les ruelles proches…
« Ho ! jeune… Vous attendez quelqu’un ?… »
Sortant de sa rêvasserie, Fabien vit, bras croisés et visage amusé, son seul et vrai ami, Lucas.
« Ha, t’es là ? fit-il mollement.
Je me demandais si tu allais finir par t’en rendre compte, lui répondit le grand brun à frisettes.
Je réfléchissais…
Comme d’habitude… Ça fait une minute que je suis planté à côté de toi…
Tu vas pas t’y mettre toi aussi… » lui répondit Fabien avec un iota d’irritation.
Il se leva, et ils se firent la bise… Pour l’un comme pour l’autre, se revoir de temps à autre était indispensable pour se ressourcer. A qui peut-on en effet raconter sans être jugé ses problèmes et les conneries qu’on a faites, si ce n’est à son meilleur ami ?
Et comme Fabien, Lucas Fernandez en avait souvent gros sur la patate, et s’épanchait à l’occasion. Actuellement, cela n’allait d’ailleurs pas fort du tout pour lui, ni au point de vue professionnel, puisqu’il galérait quelque peu, ni au point de vue sentimental. Chloé, sa copine, n’était manifestement plus sous son charme.
C’était une fille d’avocat, future avocate elle-même, qui rendait malade Lucas par sa cyclothymie : « Je t’aime / Je t’aime plus… Je t’aime / Je t’aime plus… » En l’occurrence, elle était actuellement dans une phase « Je t’aime plus… » Du moins jusqu’à la prochaine fois… peut-être. Mais la douche écossaise étant ce qu’il y a de pire pour les nerfs, Lucas confiait de plus en plus aux chichons le soin de soulager les siens. D’ailleurs, lui et Fabien n’avaient pas parcouru cent mètres en remontant une Canebière parsemée comme à l’habitude de papiers gras et de déchets divers qu’ils durent entrer dans un tabac curieusement nommé Au diplomate pour que Lucas puisse se réapprovisionner, tandis que, plus haut, un véhicule électrique de la police municipale se frayait un passage dans le trafic de toute la puissance de sa sirène. Le gérant du magasin portait un splendide pull en poils de chameau. Sous son comptoir, à l’abri des regards, son amie Kalachnikov veillait sur lui…
« Deux paquets de Fortuna, et une barrette de libanais, s’il vous plait, lui demanda Lucas.
Il me reste seulement du marocain, lui répondit l’homme en posant les deux paquets sur le comptoir, sous l’œil d’une caméra de surveillance Panasonic.
Non, j’aime pas le transgénique… Bon, ça fait rien, je prends que les cigarettes. »
Dehors, il dit à Fabien : « Au prochain tabac, faut que j’en achète… Quand j’ai pas de shit à portée de main, j’ai toujours peur d’en manquer juste à ce moment.
Tu deviendrais pas un peu accroc sur les bords, par hasard ?
Mais non, c’est juste psychologique, c’est tout…
Justement…
Merci de t’inquiéter, Papa, mais ça va bien !
Je m’inquiétais juste pour tes petits neurones, c’est tout… C’est mon côté bon samaritain… »
Fabien eut justement l’occasion d’exercer ses quelques dons d’écoute tandis que Lucas lui parlait de ses dernières tribulations d’avec Chloé. Mais la dernière fois que Lulu l’avait vue datait déjà de quinze jours, ce qui n’était pas spécialement bon signe…
En chemin, toujours sur la Canebière, ils croisèrent descendant d’un trolley ce petit noir barbu abritant ses dreadlocks dans un bonnet démesuré aux couleur de la Jamaïque, que Fabien avait déjà aperçu en ville.
« Décidément, aujourd’hui, je tombe sur toutes les têtes connues… » dit-il à son pote.
Comme en écho à ses paroles, une vision tout droit sortie de la Cour des miracles leur fit détourner le regard, comme les fois précédentes d’ailleurs… Un jeune rom, habitué des lieux depuis plusieurs mois, avançait au milieu des passants en poussant son écuelle au cri de « Pardon monsieur dame… » Il se déplaçait à quatre pattes, sur ses avant-bras, et pour cause : les articulations de ses genoux étaient inversées, ce qui le faisait ressembler à une chimère arachnéo-humaine… Fabien sentit son estomac se nouer devant cet Everest de la misère humaine…
Peu après, aux antipodes de cette scène, dans l’ambiance légère du Scudetto, le restaurant italien qu’ils avaient choisi, tandis que l’un s’affairait avec sa quatre-saisons et l’autre avec sa pizza au dauphin, Lucas s’enquit enfin de l’état de la relation entre son ami et Amandine.
« Ça va à peu près, répondit-il… Parfois on s’engueule… » (Ce que Lucas se devait de comprendre par « Parfois elle m’engueule ! »). « Mais dans l’ensemble, ça va, conclut-il sobrement. Et pour le boulot, t’en es où ? demanda-t-il en se versant du rosé du pichet.
Justement, j’ai un entretien demain, pour un poste de commercial à Aix… répondit Lucas en montrant à la serveuse le petit brau d’eau déjà vide… Alors aujourd’hui, c’est relâche… » Ce qui ne changeait guère ses habitudes, pensa Fabien.
Après être sortis du restau, ils se rendirent dans une salle de jeux vidéo. Après avoir tué quelques dizaines de zombies en amuse-gueule, ils se mesurèrent en combat aérien sur simulateur de vol gyroscopique… Lucas en sortit vainqueur haut la main, avec trois victoires en trois combats. Fabien regretta d’avoir choisi la configuration F39 Pitbull. Sur certaines manœuvres, notamment les tonneaux, on pouvait tout de même encaisser près de 2 g, et il jeta l’éponge dès qu’il sentit les prémices d’un mal au cœur. Il n’aurait pas été de bon goût de se vomir dessus une bouillie de pizza macérant dans du rosé… Il posa le pied à terre, mais il était trop tard, la réaction était déjà enclenchée… Il n’eut alors que le temps de se presser aux toilettes pour tout rendre... Puis, après les avoir quelque peu marquées de son empreinte, il fut temps de quitter prestement ce lieu…
Un peu de randonnée urbaine fut alors la bienvenue pour reprendre des couleurs. En chemin, un tag mystérieux sur un platane les amusa… Un œil unique avec pour légende : ZGÜLL VOUS OBSERVE. Dans une rue déserte, ils virent un troupeau de rats faire la teuf sur un amas de poubelles, certains aussi gros que des chats castrés… Ils changèrent de trottoir…
Plus loin, un clochard accroupi feuilletant un exemplaire froissé du Figaro avait posé à côté d’une petite assiette en plastique une pancarte précisant « svp pour une villa a saint tropez »… Lucas contribua à son projet à hauteur de 80 centimes.
Ils terminèrent l’après-midi dans un bar encore désert en cette pré happy hour. Assis au comptoir, Lucas testa une bière italienne pour accompagner son chichon, alors que Fabien s’en tenait judicieusement à un Coca. Ils discutèrent de l’OM. Ils discutèrent quelque peu avec la barmaid, vague connaissance de Lucas. A l’un des commentaires de Fabien, la jeune fille fit : « Pourquoi ? Vous avez quel âge ? ». En réponse, il lui demanda combien elle lui donnait. « Vingt-trois ? » hésita-t-elle. De la main, il lui fit signe de monter son chiffre. Elle dut en donner trois autres pour arriver à vingt-huit. « Vingt-huit et demi… » précisa même magnanimement un Fabien Caramel flatté d’être ainsi pris pour un jeunot.
Peu après cette microvictoire, les deux potes prirent congé l’un de l’autre.
« Merde pour ton entretien, lui souhaita Fabien. Cette fois, faut que ça marche !
Je mange un rat si ça marche pas ! » lui répondit Lucas avec une conviction certaine, juste avant qu’ils ne se bisent.

De retour à la maison, le premier geste de Fabien fut d’allumer l’écran plasmique. Il tomba sur un clip de Palyss, la rappeuse, qu’il zappa au bout de quatre secondes pour passer sur une chaîne d’info, tombant en pleine page de pub… Il en profita pour aller directement aux toilettes. Il s’amusa alors à faire le plus de bruit possible en urinant, pour tenter de recouvrir les voix provenant du séjour, qui proposaient toutes des objets synonymes de bonheur. Tout en se soulageant, il s’en mit quelques gouttes sur les doigts, qu’il essuya sur son jean. Sans s’être lavé les mains, il alla directement à la cuisine se chercher à boire.
Le temps de revenir, un nouveau point sur l’actualité débutait, avec bien sûr en ouverture les événements de Disney World. Affalé sur le clic-clac, un verre de jus de kiwi à la main, il trouva les images très télégéniques, avec un immense brasier s’élevant du château de la Belle au bois dormant, et surtout ces sauterelles si étonnantes qui semblaient bondir hors de l’écran… comme si la 3 D n’avait été inventée que pour elles… Sacrées bestioles… se dit-il.
Pour faire bonne mesure, il compatit sur le sort des victimes. A l’écran, les secouristes s’occupaient des blessés. Certains hurlaient. La vue de la tête de Minnie séparée de son corps caoutchouteux, tous deux maculés du sang de l’homme qui lui avait prêté vie, était particulièrement fascinante. L’image revint aux insectes, et comme ce matin, le commentaire conjecturait sur leur origine transgénique.
« Saletés d’OGM ! » dit Fabien en secouant la tête de manière réprobatrice.
Puis, se rappelant les cafards gambadant de temps à autre dans la cuisine, il pensa : J’espère qu’ils vont pas goûter aux céréales d’Amandine…
Les infos suivantes étant nettement moins croustillantes, il fit apparaître plusieurs fenêtres sur l’écran, à la recherche d’un canal capable de prolonger sa léthargie télévisuelle.
Malgré ce déferlement d’images, le programme le plus intéressant arriva pourtant de la vraie fenêtre, celle qui donnait sur l’immeuble d’en face. Fabien tourna machinalement la tête lorsqu’il perçut du coin de l’œil l’apparition de la voisine dans l’encadrement. Elle avait ouvert la fenêtre, et s’appuyait négligemment sur le rebord, plongeant son regard vers la rue. En fait, tout plongeait, y compris et surtout sa poitrine sévère, particulièrement mise en valeur par un décolleté king size. Elle avait la quarantaine, cheveux clairs coupés très courts, et hormis ces considérations physiques, Fabien ne savait rien d’elle.
Il se leva et s’approcha de sa fenêtre, invisible derrière son rideau. Autant qu’il ait pu en juger, elle avait des horaires très irréguliers, voire était souvent absente pendant quelques jours. Qu’est-ce qu’elle peut bien foutre ? se demandait-il parfois. Quoi qu’il en soit, quand il était seul et qu’il l’apercevait, il ne pouvait s’empêcher de la mater. Il était d’autant plus intrigué que jamais il n’avait vu la moindre personne lui rendre visite. Elle vivait seule au sens littéral du mot. Pas de famille invitée, pas d’amie passant prendre un verre, et encore moins un homme pour la serrer dans ses bras. Et ce, depuis près de trois ans qu’elle habitait là. Avant de rencontrer Amandine, elle avait été son grand fantasme, et quelque part elle le restait. Fabien s’était souvent imaginé pétrir à pleines mains les seins hypnotiques de cette femme mystérieuse. C’était d’ailleurs ce à quoi il se laissait à nouveau aller… Poursuivant plus encore son rêve éveillé, il imagina la voisine pénétrant dans cette pièce, et relevant délicatement le haut pour découvrir cette poitrine irréelle, ces seins auxquels il aurait tant aimé s’abreuver… Elle dégrafa lentement son soutif (vu d’ici, du 95 C au bas mot). Déployant ainsi des obus felliniens qui narguaient toujours la gravité même sans soutien, il la vit s’agenouiller devant lui, défaire un à un les boutons de son jean, et le faire glisser le long des ses jambes maigres… Elle resta ainsi immobile de longues secondes… Puis soudain, en un geste vif elle lui baissa des deux mains son caleçon ! Yeux mi-clos, elle avança alors lentement son visage vers ce sexe qui bombait le torse… et enfin, enfin, tandis que Fabien se sentait aussi excité qu’une jeune femme à laquelle on aurait offert un bon d’achat de 10.000 € chez IKEA, slurp ! elle l’engloutit dans sa bouche merveilleuse et commença à…
« Bonsoir mon p’tit mari… lui dit Amandine d’une voix sans ressort.
Amandine ??
Qui veux-tu que ce soit ?
Je t’ai pas…entendue entrer… bredouilla-t-il.
Tu ne m’as pas l’air du tout dans ton état normal, Fabien… »
Pendant qu’elle le regardait avec insistance, il prit conscience de plusieurs choses :
a) La voisine se prélassait toujours à sa fenêtre.
b) Par sa seule présence, elle avait remonté sa pendule à midi.
c) Encore plus fort : pendant qu’il était parti dans son trip, il s’était caressé et avait machinalement déboutonné deux ou trois boutons de sa braguette au passage…
d) Lui qui culpabilisait au quart de tour, il était en train de faire la tête du petit garçon surpris par maman dans sa chambre en train de feuilleter Penthouse.
Des perles de sueurs s’apprêtaient déjà à apparaître... Face au danger, son cerveau reptilien lui commanda de dire la première chose lui passant par la tête pour faire diversion de ce délit pour lequel il s’était auto-inculpé.
« Toi aussi, tu m’as l’air bien fatiguée, ma pauvre Amandine… Tu veux que je te dise ? Tu es en train de te faire bouffer par ton boulot… Et ça, c’est bon ni pour toi, ni pour moi… »
Il passa devant elle en courant d’air et sortit de la pièce, comme s’il avait à faire, et se reboutonna dans la cuisine en un tournemain. Ceci fait, il revint pour lancer à une Amandine circonspecte : « Y’a pas que le boulot dans la vie, merde ! Si on t’en file trop, refuse-le ! Tu te fais manipuler comme une bleue… »
Question diversion, ce fut particulièrement bien trouvé, car cette réplique eut le don, à défaut du mérite, de mettre hors d’elle une Amandine Bereta déjà passablement énervée par sa journée de travail à Entressen [entre seins], la pire depuis bien longtemps, avec un sérieux accident pour un ouvrier, entraînant un accrochage avec le contremaître, et pour finir un appel de son chef voulant savoir pourquoi ça n’avançait pas plus vite, et lui remettant une couche de pression pour faire accélérer les choses.
« Non mais, je rêve !! explosa Amandine en comprenant en cet instant toute la plénitude de l’expression « les bras m’en tombent ! ». Aujourd’hui j’ai eu une journée de merde comme jamais, et Monsieur, bien au chaud toute la journée, se permet de me donner des conseils sur ce que je devrais faire ?!
Je suis…
Tais-toi !… Tu ne me demandes plus où je suis allé, ce que j’ai fait… Il n’y en a plus que pour toi, toi, et toi !! Et en plus, maintenant tu me donnes des conseils ?! »
Les larmes lui montèrent aux yeux pendant que Fabien baissait les sien…
« Excuse-moi », murmura-t-il.
Il s’avança pour l’embrasser, mais Amandine détourna la tête.
« J’ai vraiment pas envie. Je suis épuisée, moi.
Ecoute, c’était pour ton bien que j’ai…
Pour mon bien ? Arrête, Fabien, tu aggraves ton cas… »
Il voulut essayer de se justifier, expliquer que ce n’était pas ce qu’il avait voulu dire, et que de toute façon, elle savait bien qu’il était un gaffeur né…
Finalement, aucun mot ne sortit, et il préféra se diriger tête basse vers la fenêtre pour fermer ces fichus volets, mais surtout ne plus croiser son regard.
Elle le coupa dans son élan en lui disant : « Au fait… Tu ne fermes même plus ta braguette, maintenant ? »
Décontenancé par sa remarque, il trouva tout de même à lui répondre : «  Ho, ça ? Je suis sorti des chiottes juste avant que tu arrives, et j’ai mal fermé le magasin. Tu sais comment je peux être distrait, des fois… » fit-il en osant un léger sourire.
Celui-ci resta lettre morte. Au contraire, ce fut à cet instant qu’il reçut le coup de grâce :
« Distrait, distrait… Je n’ai pas envie de passer toute ma vie avec quelqu’un qui est toujours dans la lune… » dit-elle avec des yeux rougis.
Fabien sentit un frisson glacé le parcourir. Il resta pétrifié quelques instants, puis réussi à prendre sur lui pour avancer vers elle. Il voulu la serrer dans ses bras, mais elle le repoussa fortement en criant « Laisse-moi tranquille ! », avant d’aller s’enfermer dans la salle de bains.
Fabien, qui avait maintenant bien débandé, chuchota, en esquissant un « Non » de la tête : « Quel con je fais. J’en rate pas une… » Puis il pensa : Ce soir, c’est pas gagné…
Après avoir ainsi illustré à ses dépens le fait que les victimes nées se sentent toujours obligées de donner le bâton pour se faire battre, il resta deux ou trois minutes à regarder la porte close de la salle de bains, et ce n’est que lorsqu’il entendit le bruit de la douche qu’il émergea de sa léthargie. Il alla enfin fermer ces putains de volets, puis se dirigea vers la cuisine pour y faire un rangement quelconque, et n’en bougea pas. Au sortir de sa douche, Amandine se réfugia dans la chambre. Ils purent ainsi s’éviter, et surtout éviter que la moindre étincelle ne remette le feu aux poudres.
Ha ! Si ! Il se croisèrent quelques secondes lorsque Amandine vint chercher son yaourt aux algues quotidien, avant de ressortir aussitôt sans mot dire.
Ce qu’il n’avait pas pu lui dire par des mots ou des gestes, Fabien décida alors de l’exprimer par la cuisine, en préparant avec le plus d’amour possible sa spécialité : les pâtes au roquefort. Dédicacées à Rita !
Lorsque cela fut fait, il alla la chercher dans la chambre pour lui annoncer que le repas était prêt. Allongée en travers du lit, elle feuilletait un magazine et répondit qu’elle n’avait pas faim sans même lever la tête vers lui. Il insista, et elle finit par venir, à contrecœur.
Le dîner se déroula comme prévu dans une ambiance pesante, et les paroles échangées le furent avec parcimonie et sans chaleur.
Fabien, le nez dans son assiette, n’osait pas parler, craignant que le moindre mot fut mal interprété. Mieux valait laisser les choses se tasser d’elles-mêmes. Quand le match est difficile, d’abord chercher à préserver le 0-0… se coacha-t-il. Comme Amandine se contentait de manger en regardant d’un œil distrait les images défilant sur l’écran, ce fut leur repas le plus silencieux depuis longtemps.
Tout comme il avait préparé le repas et mis la table, il se leva pour la débarrasser avec le zèle de celui qui veut se faire pardonner… Passant derrière Amandine, il l’embrassa furtivement sur la tête au passage.
Immédiatement, elle se leva elle aussi, le rattrapa, et lui enserra le visage de ses mains. Elle l’attira alors vers elle et, levée sur la pointe de ses petits pieds, le harponna de sa langue.
Surpris par tant d’intensité, Fabien faillit en lâcher l’un des verres.
« C’est si bon quand on se réconcilie, remarqua Rita avec son sourire d’ange.
C’est sûr », répondit béatement Fabien, qui ne perdait pas le nord pour autant, puisqu’il se débarrassa aussitôt de tout ce qui lui encombrait les mains. Il put ainsi enlacer Rita tout à son aise. Il noya son visage dans sa longue chevelure brune, douce comme de la soie, et huma intensément sa fraîcheur. Puis il la fit basculer délicatement sur le canapé. Elle enleva alors son pantalon, tandis qu’il lui massait les seins à travers son tricot. Ils étaient plus petits que ceux de la voisine, forcément, mais de jolie forme et agréablement tendus en cet instant. Rita défit alors les boutons du jean de son homme, le poussa sur le dos, extirpa son sexe bien éveillé et s’empala dessus avec autorité. Puis elle se coucha sur lui, après que l’hormone du plaisir — franchement moins connue sous son nom de lulibérine — ait été libérée dans leur cerveau (respectif).
Ils restèrent ainsi quelques minutes l’un sur l’autre, sans rien dire. Puis Amandine interrompit ce défilé d’anges qui passaient…
« Pourquoi est-ce qu’il faut toujours qu’on se dispute ?
— … Parce qu’on est vraiment deux extrêmes, répondit Fabien après plusieurs secondes de réflexion. Des comme nous ensemble, il faut vraiment le voir pour le croire… Si on le racontait à des gens qui nous connaissent pas, ils le croiraient pas.
Même si des fois ça fait des étincelles, c’est vrai que c’est ça qui nous a attiré l’un vers l’autre…
Oui, c’est exactement ça », mentit-il, sachant très bien que si cela avait été une autre fille pas trop moche qui s’était intéressée à lui, le résultat aurait été le même. Mais il ne pouvait tout de même pas lui avouer que quand on est timide, on prend ce qu’on trouve.
En l’occurrence, il avait eu de la chance en tombant sur elle, car Amandine, en dépit de sa dent parfois dure, était par ailleurs on ne peut plus charmante. 

Un an qu’il étaient ensemble. Quinze mois, pour être précis. Il gardait de leur rencontre un souvenir idyllique. Et si l’on revoit à l’instant de sa mort les principaux moments de sa vie, nul doute que celui-ci serait conservé dans les pages de ce power point terminal.
D’habitude, il n’allait jamais seul dans les bars, à cause donc de sa timidité qui l’empêchait de socialiser, comme disent les anglais. Lier connaissance avec des inconnus lui était quasiment impossible. Mais c’était surtout avec les inconnues que cela portait préjudice, évidemment… Mais ce samedi soir-là, seul dans son appartement, il était vraiment en pleine déconfiture morale. Lucas pas là, à l’idée de passer encore un énième week-end sans parler à personne, il se sentait autant à plat que la batterie d’une voiture restée sans rouler durant tout l’hiver… Il avait compté qu’entre le moment où il avait quitté le boulot tout à l’heure, et celui où il reprendrait, mardi matin, il s’écoulerait quelque chose comme soixante-trois heures. Soixante-trois heures où il ne causerait peut-être à personne d’autre qu’à la caissière de Casino durant huit secondes au mieux… De telles statistiques avaient contre toute attente fini par faire sauter l’antivol qui le bloquait constamment, et il s’était subitement décidé à aller prendre un verre dans le pub situé sur le Vieux-Port, le O’Malley’s.
Quand il entra, tout de jean pourrave vêtu, soit sa tenue de camouflage pour la jungle urbaine, l’endroit commençait à se remplir. Fabien se dirigea vers le comptoir, et s’y accouda, l’air décontracté. Au dessus de lui était suspendue une écharpe de Chelsea. Il commanda une blanche pression, et la sirota le plus lentement possible en suivant vaguement le vieux film diffusé sur les pléthoriques écrans du lieu. Il s’agissait d’un film d’horreur, Alien, le premier, le vrai. Rien à voir avec Virgins for Alien, sorti il y a quelques mois avec la Sigourney Weaver numérique : une vraie daube intergalactique !
Oublié au milieu des gens, il commençait à se sentir à l’aise. Personne ne le calculait, mais personne ne le montrait non plus du doigt en se foutant de sa gueule sous prétexte qu’il n’avait pas d’amis.
A un moment, il eut la bonne surprise de voir qu’une fille avait pris place près de lui. Sans avoir l’air d’y toucher, il s’intéressa à elle. Elle commanda une Guinness, puis se tourna vers un écran lorsqu’elle fut servie. Fabien la trouva immédiatement à son goût, avec ses longs cheveux, ses formes troublantes et… sa petite taille. Lui qui n’était pas bien grand avait ainsi l’impression de pouvoir mieux tenir son rôle de mâle dominant.
Pendant qu’elle savourait sa bière, portant et reportant le verre à ses épaisses lèvres pour en avaler de fines gorgées, Fabien se torturait l’esprit pour trouver un moyen pas trop téléphoné d’engager la conversation. Il voulait lui dire quelque chose d’original, bien sûr, mais en même temps de suffisamment neutre pour ne pas sembler la draguer trop ouvertement, se disant qu’une fille pareille devaient voir défiler des escadrons de mecs se présentant la queue sous le bras, jusqu’à en faire une allergie. Aussi, les « Vous venez souvent ici ? », « On s’est pas déjà vu ? » et autre « Tu as une clope ? » lui semblaient à proscrire sous peine de grillade...
Au bout d’une dizaine de minutes d’intense cogitation, il en était toujours à chercher La réplique, celle qui fait tomber les murailles les plus solides à son seul énoncé...
C’est alors que, ne quittant pas le film des yeux, et d’une voix claire émergeant au milieu du tumulte ambiant, la fille dit en hochant la tête en direction de Sigourney alias Ripley, qui tenait un lance-flamme et prenait les affaires en mains à bord du cargo spatial Nostromo : « Elle en a du courage… Moi, je ne sais vraiment pas si je serais capable de me lancer à la poursuite d’un monstre pareil dans des couloirs si sombres… »
Machinalement, Fabien répondit : « Moi, je crois que je jetterais mon flingue par terre, que je m’assiérais contre un mur, et que je me mettrais à pleurer le visage dans les mains… »
Elle tourna le sien vers lui et le regarda pendant plusieurs secondes, manifestement surprise. Puis elle éclata de rire. Un rire chaleureux, qui lui fit des plis sous les yeux. Fabien adora immédiatement ce regard...

Si ça vous a VRAIMENT plu, la suite en achetant le bouquin (600 pages : c'est rentable ! ;-) ), et ainsi m'encourager à en faire un autre...



vendredi 19 avril 2013

UN MENTAL DE FOOTBALLEUR ALLEMAND, c'est ça : Episode I


Les hologrammes de l’équipière du mois, installés sur la droite de chacune des deux entrées de l’hyper fast-food, accueillaient les clients avec un grand sourire aguicheur bien accordé avec cette nouvelle tenue rouge translucide portée par le personnel féminin. Casquette avec le « M » doré sur le devant, diamant en plastique dans un nombril dévoilé par une brassière, microjupe à boutons jaunes sur le côté et escarpins à talons carrés, ce mirage magnétisait les regards de tous les mâles franchissant la porte.
  Sans vouloir trop y voir de malice, et bien que ce fut une distinction mixte, c’était systématiquement une (jolie) fille qui décrochait ce titre et se retrouvait, que cela lui plaise ou non d’ailleurs, ainsi exhibée pendant un mois en 3D et en photons.
  Par contre, les deux vigiles à oreillette en costume sombre se tenant non loin étaient quant à eux tout en chair et en muscles.
  Ce qui attirait ensuite l’attention était la décoration. Supposée symboliser une alimentation saine, elle comportait des côtes de bœuf, des tournesols, des épis de maïs et autres tomates et concombres en plastique accrochés aux murs, ainsi que des gousses d’ail en téflon suspendues au plafond. Un vrai petit potager synthétique, avec des chants d’oiseaux en fond sonore. Des chants qui étaient plus devinés qu’entendus, à cause du brouhaha produit par ces vingtaines de personnes attablées qui parlaient, mastiquaient et buvaient, le tout en même temps semblait-il. Dans quelques minutes, dans le grand turn-over du samedi soir elles seraient remplacées par d’autres vingtaines de personnes qui, pour l’instant, faisaient la queue aux caisses.
  Sur des écrans, des publicités étaient diffusées en boucle. On pouvait y voir pêle-mêle la bande-annonce de la Palme d’Or du dernier festival de Cannes, Mouettes mécaniques, d’Eric Cantona, suivie d’une pub pour une crème censée augmenter la taille du pénis en trois semaines, Pinocchia, illustrée avec force images avant/après.
  Mais dans le tourbillon de voix et de bruit engendré par le rush, personne n’y prêtait attention. Et encore moins la fille qui parlait. Le garçon, lui, l’écoutait. Puis ce fut leur tour de passer commande à la caisse numéro 7.
  Rita prit un menu Mad Green (algaburger et frites à l’huile d’olive), avec un Coca light. Fabien, lui, commanda un Mad Bug (assortiment aux six insectes), un dolphinburger, une grande bière et un grand milk-shit.
  Tandis que Rita sortait son portable pour régler, Fabien fut frappé par l’immense expression de lassitude qui transparut un instant sur le visage du garçon face à eux. Avec sa casquette et son uniforme rouges, on aurait dit un vieux pompiste desséché par le soleil, comme dans un vieux film américain. Celui-ci se ressaisit en donnant le ticket de caisse à Rita, et arbora à nouveau l’expression avenante qu’il avait quelques secondes plus tôt. Et oui, même ces deux-là pouvaient être des inspecteurs de la boîte, et ils n’auraient aucun scrupule pour signaler tout manquement à la règle numéro 1 : « On a le sourire jusqu’au dos, car on est équipiers chez Mado ! » Ce ne fut donc qu’à demi rassuré qu’il les regarda s’éloigner…

  Ils s’assirent à l’une des rares tables libres, et commencèrent à ingurgiter. Entre deux bouchées, Fabien cachait mal un sourire béat. La compagnie de Rita le plongeait dans une douce euphorie… Après une semaine de travail ennuyeuse, et surtout cette longue et pénible journée de samedi jusqu’à 19 heures, la savoir enfin à lui le rendait simplement heureux. Avec elle, il avait vraiment la sensation de vivre, même lorsqu’ils ne faisaient rien d’extraordinaire. Elle transformait la grisaille en lumière par sa seule présence. C’était son p’tit catalyseur à lui, Rita !
  A vrai dire, elle s’appelait Amandine, mais son troisième prénom était Marguerite, comme sa grand-mère. Et comme Rita est le diminutif de Margarita… En fait, Fabien ne l’appelait pas trop souvent ainsi pour ne pas finir par l’énerver. Mais dans sa tête, c’était par ce prénom qu’il pensait à elle la plupart du temps. Il trouvait vraiment que ça sonnait trop bien ! Un jour, il l’avait faite rire en lui disant avoir lu que Sainte Rita était la patronne des putes et des cas désespérés… Enfin, elle avait surtout ri jaune. Comme la fois aussi où il lui avait dit qu’Amandine était un prénom à la noix… Il ne fallait pas trop la titiller, Amandine, parce que sinon… C’était une sacrée drôlesse, et elle pouvait devenir méchamment cassante quand elle s’y mettait. Alors Fabien, sachant comme elle fonctionnait, tournait (lorsqu’il y pensait) sept fois plutôt qu’une sa langue dans sa bouche avant de lui parler. Et si, malgré cela, il se recevait une pique glaciale en retour, il se disait laconiquement que c’était parce que là, il était tombé par erreur sur Amandine. Par contre, quand elle lui faisait son grand sourire qui lui donnait des plis sous les yeux, là c’était sa Rita !
  « A quoi tu rêves, encore ?! lui demanda Amandine. Tu as encore mis ton écran de veille ?
  — Hein ? De quoi ?
  — Je vois bien que tu m’écoutes pas. Ça m’énerve quand tu fais l’autiste comme ça…
  — Ça doit être les grains de pavots, pirouetta Fabien en montrant son burger. J’ai l’impression qu’ils sont plus concentrés que d’habitude…
  — Tu parles… Ça m’énerve quand tu regardes par-dessus mon épaule, dans le vide… Je sais jamais à quoi tu penses…
  — Je te l’ai déjà expliqué… C’est vrai que je décroche facilement… mais je ne suis jamais loin. Même si j’ai le regard dans le vague, j’ai le radar de veille qui fonctionne. Et s’il y a un mot qui fait tilt, hop ! là je reviens tout de suite dans la conversation !
  — Tu es en train de m’avouer que tu n’en as rien à faire de ce que je te raconte, c’est ça ?
  — Mmmh… fit Fabien en touchant machinalement sa nuque. C’est pas ce que je voulais dire, tu le sais bien… Pour me faire pardonner, tu finis mon dolphin ? lui proposa-t-il pour changer de sujet, sachant très bien que ce genre de burger la révoltait.
  — Beurk !! Comment peux-tu manger ça ?… Pauvres bêtes… Un de ces jours, j’arriverai à te faire arrêter.
  — Avec tout ce qu’il y a dans la viande de synthèse, je préfère encore manger ça.
  — Parce que les dauphins, tu crois qu’ils les nourrissent seulement avec des petits poissons bien naturels, peut-être ?
  — Bof ! Faut bien manger quelque chose, de toute façon… » fit-il avant de terminer son hachis de dauphin. Une fois celui-ci recouvert d’une couche de zenifiant milk-shit dans son estomac, il demanda :
  « Bon, on va se le voir, ce film ?
  — On y va ! répondit Amandine en se levant.
  — On va voir quoi, au fait ?
  — On a dit qu’on allait voir Le divorce du Jedi !
  — Mais il est nul, ce film…
  — Tout à l’heure, on était d’accord !
  — Oui, mais… C’est le douzième épisode de la série, et là je sens que ça sombre vraiment dans le ridicule...
  — Ecoute, Fabien, j'ai plus envie de discuter, OK? Alors, on fait comme on a dit ! »
  Sur ce, son plateau dans les mains, elle se dirigea vers la poubelle la plus proche sans attendre de réponse.
  « OK, OK, sus au Prado 5 D… » marmonna-t-il.
  Il se leva et la rejoignit.
  « Didine…
  — Quoi encore ?! fit-elle en se retournant.
  — Je t'aime… lui dit-il en inclinant légèrement la tête sur le côté.
  — Moi aussi je t'aime », répondit-elle, un peu surprise. L'instant d'après, elle lui souriait.
  « J'aime bien quand tes yeux sont plissés comme ça, Rita… »
  Il posa son plateau et l'embrassa, la bouche encore tapissée de particules de cétacés…

   Alors qu’il n’était encore qu’un bébé de quelques mois, Fabien avait été confié à la garde de ses grands-parents paternels.
  En effet, pour le dernier Noël avant l’an 2000, la famille Caramel, composée de Christophe, Nathalie, et de leur tout-petit, Fabien, était allée passer les fêtes chez Maryse, la grand-mère de Nancy, qui y vivait seule depuis le décès du père de Nathalie.
  Elle habitait dans la Grand Rue, à deux pas de la Pépinière, le plus grand et le plus célèbre parc de la ville, endroit habituel des balades familiales du dimanche après-midi.
  Mais en cette matinée de Noël, après avoir fait le tour dudit parc et admis qu’effectivement, la place Stanislas « c’est beau… », Christophe avait eu envie d’une grande promenade dans une campagne contrastant tellement avec la Provence.
  « On fera ça demain, d’accord ?… », lui répondit malheureusement Nathalie…

  Fabien ayant été laissé chez Mamie, qui avait promis de leur préparer pour le soir une grande spécialité lorraine, les roubignoles de bœuf — « Ha ? Heu, super… », avait répondu son beau-fils —, ils partirent donc mari et femme au petit matin du 26 décembre.
  « Ça va nous aider à digérer toute la mirabelle qu’on a bue hier soir, estima Christophe en conduisant. Ça, c’est vraiment du plaisir liquide… Au fait, Nat, si tu peux demander à ta mère de nous en trouver trois ou quatre bouteilles… Mais de la vraie, fabriquée maison, hein ! Ces mirabelliers, c’est la plus belle invention de la Lorraine, je crois… Après toi, bien sûr… »
  Malheureusement, et alors qu’au vu des circonstances ils venaient juste de rebrousser chemin, ce ne fut pas un petit mirabellier mais un énorme conifère qui s’abattit sur le pare-brise de leur Clio lors de cette tempête du millénaire qui traversa la France ce « Boxing Day »-là, et dont la Lorraine fut l’une des régions les plus touchées. Les dernières paroles de Christophe Caramel furent : « Putaing !! C’est la folie !! C’est pire que le mistral ! »

  Bien des années plus tard, Fabien avait rencontré quelques-unes des personnes ayant connu ses parents, pour collecter leurs souvenirs et essayer ainsi de les connaître par procuration. Il en ressortait que Christophe et Nathalie avaient manifestement été aimés, et ce n’était pas seulement des paroles de circonstance... Entendre cela avait avivé sa peine, mais il le fallait…
  Et s’il devait ne garder qu’une anecdote les concernant, ce serait celle entendue de la bouche d’une amie de sa mère. Car peu de temps après sa naissance, au cours d’un repas entre collègues consolidés, Chris avait raconté les conditions de la conception de Fabien, sous les « Chut ! » faussement courroucés de Nat… Ils se trouvaient en vacances à Paris lors de la finale de la Coupe du monde de foot ’98, « Celle gagnée par la France contre le Brésil », crut bon de leur préciser la narratrice. Après la nuit de folie qui s’en était suivie sur les Champs, ils n’étaient rentrés qu’au petit matin à leur hôtel, situé près de la gare de Lyon. Bien sûr, ils s’étaient plus où moins perdus… Passant par Bastille, et après avoir apprécié à leur juste valeur les artistiques filets de corde permettant à un opéra de plusieurs centaines de millions de francs de tenir debout, ils avaient tout d’un coup trouvé (surtout Christophe, à vrai dire) particulièrement excitant d’escalader la grille d’accès au Viaduc des Arts, cette ancienne voie ferrée transformée en promenade aérienne, histoire de « faire encore un tour avant de se coucher »… Et c’est finalement là, en ce lieu (bien) nommé la Coulée Verte, enchanteur le jour mais plutôt flippant la nuit à moins d’être bourré, entre ciel et terre mais surtout entre deux arbustes, que le petit Fabien fut conçu. C’est du moins ce que son père, fou de foot en bon marseillais qu’il était, se plut à croire durant les quelques mois qu’il partagea avec son fils. D’ailleurs, il lui donna le même prénom qu’un certain chauve champion du monde ce soir-là. Et voila comment on en vient à se coltiner un prénom désuet pour le restant de ses jours… réalisa Fabien… D’autres parents avaient cependant eu la même idée, puisque la « courbe des Fabien » soubresauta jusqu’à l’année suivante…

  Si Fabien Caramel fut sans doute conçu à Paris, Amandine Bereta était quant à elle une vraie parisienne. Enfin, si l’on pouvait appeler ainsi les gens dont les parents étaient venus dans la capitale pour y gagner leur vie, et qui s’y étaient finalement installés pour de bon (en zone 3, du moins…). Mais elle finit un jour par en avoir vraiment assez des métros bondés, des loyers hors de prix, du stress et de la pollution, qui se traduisait d’ailleurs par de l’eczéma sur son beau visage. Et à la différence de ces milliers de Parisiens qui crachaient continuellement sur leur ville en jurant qu’ils s’installeraient bientôt en « province » mais ne le feraient jamais, elle ne cracha sur rien ni personne et partit un jour. Vers le sud. A Marseille. Où elle retrouva d’ailleurs toutes les plaies urbaines qu’elle tentait de fuir… Enfin, les mêmes, mais juste en pire… Mais avec un ciel littéralement d’azur en prime (les jours de mistral). Et c’est donc dans cette ville à nulle autre pareille, la seule peut-être que l’on pouvait adorer et haïr en même temps, que vivait un certain Fabien Caramel. 
  Et celui-ci ayant une anecdote si croustillante sur son lieu de conception à raconter à une fille venant de la capitale, il n’était pas si étonnant qu’une étincelle se soit produite entre eux lors de leur rencontre…

  En ce lundi matin, lorsque le 5 de 6:45 remplaça le 4 de 6:44, la radio se déclencha dans la chambre à coucher des Caramel-Bereta…
  « …ont ravagé hier le célèbre parc de loisirs situé en Floride. Ces sauterelles géantes, dont certaines mesuraient plus de soixante-dix centimètres de long, sont par ailleurs insensibles aux insecticides habituellement utilisés. L’US Air Force a donc dû intervenir pour disperser les nuées. Malheureusement, les dégâts qu’elle a par là même infligés au parc sont énormes, notamment à cause de l’utilisation de roquettes au napalm. Il semblerait que ce soit l’odeur intense de pop-corn régnant sur le lieu qui ait attiré les sauterelles, mais la direction du parc se refuse à confirmer cette infor…
  — C’est dingue, marmonna Amandine, les yeux encore clos.
  — Mmmmhhhhhhhhhh, émit Fabien, la tête en partie sous l’oreiller et réveillé en plein rêve. Réminiscence du ciné de samedi soir, il était dans la peau de Bjorn Skywalker échappant de justesse à la guillotine-laser…
  — … ne déplore fort heureusement que trois victimes, dont Minnie, décapitée par l’aile d’un des insectes…
  — Ils pourraient nous épargner ce genre de détail, commenta Amandine en ouvrant les yeux.
  — Z’informent, c’est tout, lui répondit mollement Fabien.
  — … d’après le professeur Michael D. Dould, le chercheur qui le premier avait découvert l’existence de ces insectes hypertrophiés, ils ne sont pas apparus spontanément. Leurs générations précédentes ont subi des changements morphologiques allant dans le sens d’une taille et d’une résistance aux insecticides croissantes. Ces changements, qui ont été favorisés par la pression sélective de leur milieu, auraient été induits par la consommation prolongée de maïs génétiquement modifié. Voilà ce que l’on pou…
  — Evidemment ! fit Amandine en se levant. C’est encore à cause de ça… C’est la Nature qui se retourne contre nous. Un jour, il arrivera quelque chose d’irréparable, et alors on aura l’air malin…
  — Mmh mmh… » approuva Fabien en passant de la position ventrale à la dorsale, tandis qu’Amandine se dirigeait vers la salle de bain. Il en profita pour zapper France Info en appuyant au hasard sur l’une des autres stations présélectionnées. Il tomba sur Roswell FM, une fréquence techno, ce qui lui convint pour un réveil plus en douceur, et décida alors de se lever. Enfin, dans cinq minutes… Quand son érection matinale se serait estompée…
  Ils se retrouvèrent peu après dans la cuisine pour le petit déjeuner. Alors qu’elle allait se verser des céréales, Amandine se ravisa.
  « Non, après réflexion, pas de céréales ce matin… Plutôt de la confiture. Ça m’a coupé l’envie, leur truc…
  — De toute façon, le transgénique, depuis le temps qu’on en mange… intervint un Fabien maintenant éveillé. Et de tout façon, y’en a dans tout, alors…
  — C’est ça le problème ! On n’a pas le choix.
  — Tu vois pas que tu te mettes à muter, toi aussi ? Imagine qu’il te pousse une queue, là… fit-il en lui posa la main sur le bas du dos…
  — Décidément, pour toi, toutes les occasions sont bonnes, nota Rita.
  — N’est-ce pas ? répondit-il en la frictionnant doucement…
  — Bon, c’est pas tout ça, mais faut que j’y aille, là… »
  Il ne la laissa pas partir sans le patin du matin. Puis Amandine se leva, finit de se préparer, et prit la direction de la porte.
  « A ce soir, mon chéri ! lui lança-t-elle de manière très affectée, sur un ton signifiant « ça sonne faux, mais c’est fait exprès ».
  — A ce soir, ma chérie ! » lui répondit-il en prenant la même intonation.
  Elle sortit. Il la suivit sur le pallier.
  « Rita ! fit-il.
  — Quoi ? » demanda-t-elle en se retournant
  Pour toute réponse, il l’embrassa relativement sauvagement.
  Lorsque la porte de l’ascenseur se referma sur Amandine, Fabien repartit… se coucher. Le lundi était son jour de repos, et il serait volontiers resté au lit tandis qu’elle se levait. Mais il avait vite compris qu’elle était très sensible à ce type d’attention. Alors, il se levait avec elle… pour se recoucher à son départ.

  Alors que Fabien savourait son oreiller, Amandine gara sa 208 sur le parking de Recycl’Age, la société où elle travaillait et qui s’occupait d’environnement. Lorsqu’elle coupa le contact de son véhicule, elle poussa un indéniable soupir. Bien sûr qu’elle était fière de son poste d’ingénieure dans cette boîte. Bien sûr qu’elle appréciait ses responsabilités et une certaine marge de manœuvre. Sans parler de la partie technique de son métier, la réhabilitation de sites pollués, qui lui donnait l’impression d’être vraiment utile. Il n’empêche…
  Moins de deux ans après son arrivée ici, et malgré le fait qu’elle eut toujours placé le travail très haut dans sa hiérarchie des valeurs, elle éprouvait ces derniers temps de la lassitude. Pas tant à cause de son emploi lui-même que de tout ce qui l’entourait, en premier lieu les interminables embouteillages qui finissaient par user les plus motivés. Ici, dans la ville de la voiture-reine, on ne se serait vraiment pas cru en pleine crise de l’énergie. Les marseillais foutaient vraiment n’importe quoi dans leur réservoir, pourvu que ça tourne ! En tant que maître d’œuvre, Amandine devait de plus gérer des déplacements à la fois longs et fréquents, de nombreuses réunions avec des élus ou des industriels, et des relations parfois tendues avec les sous-traitants pour le respect des cahiers des charges, sans compter les délais dépassés. Des questions professionnelles qu’elle ne pouvait s’empêcher de transformer en problèmes personnels. Enfin, au moins pouvait-elle maintenant considérer comme un mauvais souvenir ses premiers déplacements sur les chantiers, quand certains ouvriers basiques ne cachaient pas leur sourire en coin à la vue de cette petite minette venant superviser leur travail. Quelques recadrages plus tard, la situation était en main, et ce n’était pas là la moindre de ses fiertés.
  A vrai dire, le fait d’avoir effectué ses trois dernières années de lycée dans l’établissement militaire de Saint-Cyr l’Ecole, inscrite contre son gré par un père adjudant qui voulait la voir faire une carrière d’officier supérieur hors de portée pour lui, ne l’avait pas desservie sur ce point… Elle avait même manifestement très bien intégré la devise de l’école : « Je vaux ce que je veux ».
  Ce n’est pas le DRH de Recycl’Age, le ventripotent Monsieur Pepponet, qui aurait dit le contraire. Homme de l’ancienne école, et parité où pas, il ne l’avait reçue deux ans plus tôt que pour avoir le quota réglementaire de postulants féminins, en se disant aussi qu’il prendrait du plaisir à mettre sur le grill cette parisienne. Peut-être arriverait-il même à la faire pleurer, sous couvert de rapprocher l’entretien des conditions du réel… Il comptait bien faire comprendre à cette ingénieuse qu’elle s’était trompée d’adresse, et que ce n’était pas un travail de bonne femme qui était proposé. Surtout quand on est haute comme trois pommes… C’était justement ce qu’il ne fallait pas laisser entendre. Car dès qu’elle sentait des relents de sexisme ou des moqueries sur sa taille, Amandine sortait de ses gongs. Manque de bol pour Monsieur Pepponet, il cumulait les deux !
  Elle lui répliqua alors, en le pointant du doigt : « Vous humiliez les gens derrière votre bureau, là… Mais j’aimerais bien vous voir sur le terrain, en train de vous étaler au milieu des ordures ! Vous feriez moins le malin avec votre beau costume recouvert de merde !… Et avec un clou rouillé planté dans vos si chères parties !! » ajouta-t-elle en se levant, avec une température de –30°C dans la voix. Fabien aurait pu confirmer que quand elle s’y mettait, elle pouvait devenir bien plus froide que l’iceberg qui coula le Titanic…
  Paradoxalement, Monsieur Pepponet, qui mettait son alliance dans sa poche lorsqu’il devait rencontrer des jeunes filles, se montra favorablement impressionné par pareille répartie, et alors qu’Amandine lui tournait déjà les talons de ses boots, il décida sur-le-champ que cette petite brunette énervée était le candidat idéal pour le poste à poigne proposé.
  Puis, longtemps après, il conserva tout au fond de son esprit le souvenir de cet instant où il fut agressé par cette femme qui en avait, ainsi que la frissonnante sensation de vulnérabilité que cela lui procura. De fil en aiguille, cet incident ouvrit par la suite de nouvelles perspectives à son ennuyeuse vie privée… Il serait d’ailleurs retrouvé trois ans plus tard dans un caniveau, pieds et poings liés, nu avec une cagoule de cuir lui enveloppant totalement le visage. Mort étouffé… Quand on est asthmatique, il y a manifestement des jeux auxquels il vaut mieux éviter de jouer.

  Alors que Fabien se (re)levait à peine, Amandine se trouvait à une soixantaine de kilomètres de lui. Elle était au « beau » milieu de ce qui avait longtemps constitué la plus grande décharge d’Europe, située dans la Crau, partie du département où les bergers faisaient paître leur troupeau quand il y avait encore des bergers.
  Cette région est recouverte d’un immense désert de galets. Parfois, on peut avoir la chance d’en trouver un présentant la trace d’une érosion éolienne. Le bombardement des grains de sable pendant des millénaires a créé une pente plane d’un côté, alors que l’autre, protégé du vent, conserve son bombement naturel. Pour qui sait lire ce genre de détails, la Terre se révèle être le plus passionnant des romans.
  Bien loin de cette poésie naturelle, Entressen (prononcer [entre seins]), puisque tel était le nom de cette verrue purulente engendrée par la société de consommation, avait reçu pendant un siècle les déchets des marseillais à coup de convois ferroviaires quotidiens, flux nauséabond s’en venant cacher ce que personne ne voulait voir derrière chez lui.
  Lors de son « âge d’or », la décharge donnait la vision surréaliste de bulldozers flottant sur un océan de déchets et de sacs en plastique et entourés par des nuées de mouettes.
  Depuis sa fermeture, elle était « réhabilitée ». Les hommes tentaient de masquer ce pustule monstrueux en le recouvrant d’argile, de géomembranes, et même de végétaux. Mais tel un volcan éteint, un pareil titan n’était jamais totalement endormi, et pouvait se réveiller à tout moment. Et c’est ce qu’il avait fait quelques semaines plus tôt, en permettant à des infiltrations d’eaux pluvieuses de le traverser en un hideux accouplement enfantant une pollution de la nappe phréatique.
  Colmater les fuites et ramener la situation à la normale, ça c’était un travail pour Cap’tain Planète ! En l’occurrence Amandine et son équipe…

   Alors qu’elle livrait son éco-combat face à la décharge géante, Fabien allait se retrouver lui aussi face à un adversaire de taille : lui-même… Il sortit de l’appartement, ferma à clé, et alla jusqu’à l’ascenseur, qu’il appela. Puis il revint à la porte, saisit la poignée pour vérifier — cela ne coûte rien — que la serrure était bien fermée, et retourna devant l’ascenseur, qui s’ouvrit. Il y entra et appuya sur 0.
  Le temps de la descente, il fit une rapide vérification. Portable, OK… Clés, dans la poche, OK. Portefeuille… OK. Il sortit tout de même ce dernier, et l’ouvrit, pour être bien sûr que la multicarte s’y trouvait, le referma, le rouvrit, le referma, et le remit dans la poche intérieure de son blouson, dont il tira enfin la fermeture-éclair anti-pickpocket... L’ascenseur atteignit le rez-de-chaussée. Il en sortit, fit deux pas vers la porte d’entrée de l’immeuble, s’arrêta au milieu du hall, porta la main gauche juste sous la poitrine, coté droit. C’est bon, il y est. Il repartit vers la porte, l’ouvrit, et sortit enfin. Une bonne odeur d’urine urbaine l’accueillit aussitôt… Hé oui, même en automne, la ville ne sentait pas vraiment l’iode…
  La petite rue où il habitait était perpendiculaire au boulevard Longchamp, en haut de la Canebière. C’était un quartier assez proche du centre-ville, mais paisible et tranquille, dominé par un palais construit au XIXème pour célébrer l’arrivée de l’eau des Alpes à Marseille. Ainsi, les marseillais avaient-ils toujours la meilleure eau de France… tout du moins tant que le dernier des glaciers n’aurait pas succombé à l’ultime coup de chaud…
  Guère soucieux de cette échéance, Fabien se dirigea vers la station de métro « Réformés », passant près d’un employé municipal en train de nettoyer le caniveau par la méthode locale dite du « geyser »…

Suite à l'épisode II le 26 avril :
http://jamie-cumindor.blogspot.fr/2013/04/un-mental-de-footballeur-allemand-cest_26.html

samedi 6 avril 2013

L'ILIADE - Homère




L'un des monuments de la littérature mondiale... Dans le top 3, assurément!
Ce livre a plus qu'un souffle épique, il est parcouru par le vent de l'Aventure!
Et pourtant... moi qui avait quand même déjà lu quelques caddies de bouquins dans ma vie jusque-là, je ne l'ai découvert qu'il y a quelques années.
Je l'avais dans ma bibli, acheté pour quelques drachmes à quelque foire aux livres organisée pour une noble cause, mais impossible de dépasser la première page... Rien à faire, je n'accrochais pas à ce bouquin écrit entièrement en vers!
Et puis un jour, l'attrait pour cette histoire mythique fut le plus fort... et ce fut un enchantement! Ce mélange de guerriers aux belles jambières, de femmes aux allures de déesses et de dieux pas forcément meilleurs que des humains m'a estomaqué!
Sans oublier, surtout, la fascination exercée par cette mère de toutes les guerres, plus prenante encore que la guerre du Golfe sur CNN...
Je ne vais pas réinventer l'eau tiède à propos de ce livre fondateur de l'occident, et encore moins vous sortir le super commentaire de texte attendu depuis 27 siècles, mais seulement vous faire part de deux anecdotes.
Dans ce chef-d'oeuvre absolu, figure au chant XXII une scène que je trouve digne d'un Tex Avery : Achille course Hector le temps de faire trois fois le tour des remparts de Troie, les deux guerriers maintenant un écart constant entre eux durant ce 10 000 mètres de l'âge de bronze, ce qui renforce l'effet comique involontaire... Peut-être que l'aède du collectif "Homère" qui fut le premier à chanter cette scène avait un peu trop abusé du vin résiné ce soir-là...
Et puis, au fur et à mesure que je me rapprochais de la fin et que les Troyens tenaient toujours le choc, je me disais quelque chose comme : "Putain il est fort, Homère... il reste plus que trente pages et il n'a pas encore parlé du Cheval! Il a réussi à condenser le sac de Troie dans les dernières pages... La fin va être terrible!"
Evidemment, je ne pouvais pas deviner que cette apothéose ne serait pas traitée dans cet ouvrage, mais seulement comme un flash-back dans l'Odyssée... dont je vous causerai peut-être dans un prochain post...
Ladite Odyssée n'étant techniquement qu'un spin-off de l'Iliade, si l'on y réfléchit bien... Tout comme l'Enéide, d'ailleurs, celui-là véritable produit marketing de la culture romaine...